Pièces courtes de Eugène Labiche, mise en scène de Isabelle Desalos, avec Franck Lacroix, Dimitri Michelsen, Gwenda Guthwasser, Emmanuel Ullmann et Isabelle Desalos.
Avec "Présumé timide" la Compagnie La Bulle de temps propose un spectacle composé de deux pièces courtes d'Eugène Labiche : "Les deux timides" et "Un garçon de chez Véry" reliée entre elles par un court intermède.
Dans la première, Cécile, la jeune fille de la maison est promise par un père trop timide pour oser lui refuser à un prétendant arrogant qui lui force quelque peu la main, alors qu'elle est amoureuse en secret de Jules Frémissin, qu'elle a rencontré dans un dîner et qui se trouve être aussi timide et maladroit que son père.
La seconde pièce voit le même Frémissin une dizaine d'années plus tard, installé et plus assuré, aux prises avec une histoire d'adultère. La machine comique s'emballe et c'est parti pour une heure vingt de gags et de rebondissements en cascades.
La grande qualité de ce "Présumé timide" c'est qu'il réinvente les codes du genre, préférant par exemple à des personnages stéréotypés, utiliser la personnalité de chacun pour créer des figures vraies et par lesquelles on est forcément plus touché.
Autre belle idée : ponctuer le récit de répliques chantées comme il est d'usage dans le vaudeville, mais sur des airs contemporains connus, de Serge Gainsbourg à Téléphone en passant par Claude François. Le procédé utilisé avec parcimonie donne une fraîcheur supplémentaire à l'ensemble et ajoute encore à la folie douce qui croît au fil des scènes.
Et si on complète le tableau avec une distribution de valeur, on comprend pourquoi ce spectacle est une belle réussite. Tous les comédiens sont au diapason.
Isabelle Desalos, à qui l'on doit la mise en scène juste et précise campe Cécile avec autorité et émotion. Face à elle, et personnage central de ce spectacle, Jules Frémissin est interprété par Dimitri Michelsen. Le jeune comédien qu'on a déjà vu excellent dans d'autres comédies est une fois encore à son aise dans les habits de ce timide fiévreux et gaffeur. Et son passage d'une partie à l'autre rend encore plus fine son interprétation magnifique.
L'autre timide de ce spectacle c'est Monsieur Thibaudier. Franck Lacroix donne à la gaucherie de cet homme un naturel bluffant : il est exceptionnel et attire immanquablement la sympathie du public sans cabotinage excessif. La confrontation des deux timides donne lieu à des scènes qui atteignent des sommets de drôlerie.
En valet naïf et maladroit à la recherche de son père, Franck Lacroix dans la deuxième pièce est tout aussi efficace. Emmanuel Ullmann est un Garadoux détestable à souhait, que la voix grave et l'humeur sombre rendent tout à fait inquiétant ainsi qu'un Alexandre hilarant. Enfin, Gwenda Guthwasser passe du rôle d'Annette, la femme de chambre dont chacune des apparitions fait mouche, à la robe de Madame Frémissin (superbes costumes de Frédéric Morel) avec panache.
Très belle comédie donc que ce "Présumé timide" abordant avec humour et justesse le thème du handicap social que peut être une timidité maladive. Le travail effectué par la belle équipe qui défend ce spectacle donne envie qu'il soit un franc et beau succès. Il le mérite. |