Comédie burlesque de alfred Jarry, mise en scène de Alain Timar, avec Dimény Áron, Albert Csilla, Varga Csilla, Kató Emoke, Györgyjakab Eniko, Szucs Ervin, Laczó Júlia, Vatá Loránd, Farkas Loránd, Keresztes Sándor, Skovrán Tünde et Bogdán Zsolt.
Personne n’ignore plus que la pièce d’Alfred Jarry, à l’origine spectacle de marionnettes, ne doit pas être prise au sérieux. Pochade de potache, elle n’ambitionnait pas de concurrencer "Macbeth" ni de fournir des stéréotypes pour tous les dictateurs du siècle dernier.
Dans les adaptations théâtrales, plus que l’intrigue, ont été privilégiés les personnages du père et de la mère Ubu, propices à des prestations truculentes où les acteurs se délectent en toute impunité à répéter des grivoiseries. Il n’est donc pas sacrilège pour une troupe hongroise, joyeuse et nombreuse, vêtue peu convenablement et armée d’instruments à vent, de venir titiller Jarry en son jardin.
Pour couronner le tout, sur une scène quasi vide, sont disposés perpendiculairement à la scène deux rangées de bancs séparés par un grand rouleau de papier…
Merdre alors ! Voilà des comédiens habillés en pyjamas, munis d’instruments capables de sons saugrenus imitant des bruits incongrus, qui passent leur temps à tirer sur un rouleau de papier !
Mais qu’on se rassure, nos amis magyars ne vont pas faire un usage inconvenant de tout ce papier blanc… Évidemment, il faudra accepter qu’ils s’en servent d’abord pour rembourrer les fesses du Père Ubu, les seins de la Mère Ubu et le sexe de ce futur traître de Capitaine Bordure…
Une fois, leurs attributs grotesques en place, ils vont utiliser plus poétiquement cette rame inépuisable de papier pour confectionner des chapeaux, des robes, des épées… Tout ce papier finira par transformer la scène en champ de bataille, par enchaîner le Père Ubu et cela pendant que se déroulent les aventures d’"Ubu Papa" et d’"Ubu Mama", comme on dit en hongrois.
Tour à tour, les acteurs peuvent incarner le couple Ubu. Pendant que certains jouent la pièce, les autres assis sur les bancs jouent d’un instrument. Trompettes, trombones, hélicons et autres cuivres plus farfelus donnent à toute cette petite troupe un côté "Fanfare des beaux-arts".
La mise en scène d’Alain Timar, lui-aussi homme-orchestre de cet "Ubu Kiraly", privilégie cette ambiance festive genre "spectacle de rue" et n’insiste pas énormément sur les embrouilles conjugales du couple Ubu. En gommant leurs grimaces, en n’étirant pas leurs interventions, la pièce paraît plus rythmée que d’ordinaire et son intrigue devient presque passionnante.
Mine de rien, ces douze magyars polyvalents dirigés par Alain Timar viennent de faire entrer "Ubu" dans la modernité avec cette version aussi amusante que convaincante.
Cornegidouille ! Longue vie à Ubu Kiraly ! |