Comédie dramatique de Jean Cocteau, mise en scène de Caroline Rainette, avec Caroline Rainette, Sébastien Poulain, Bruno Aumand, Cécile Rittweger (en alternance Sadia Oummay), Nicolas Hannetel et Daniel Schröpfer.
La pièce, le film ont marqué à jamais la mémoire. Cocteau, poëte et démiurge. Il fallait un grand courage - ou une grande folie - ou les deux pour oser prendre des ciseaux et s’attaquer aux "fioritures" d’une telle œuvre baroque.
Caroline Rainette l’a fait avec discernement et réserve. Malgré quelques naïvetés, le résultat ne déçoit pas.
L’histoire de "L'aigle à deux têtes" est celle d’un conte. Une reine pleure son roi, guettée par une mère qui hait sa bru et un chef de la police abominable comme il se doit. Un jeune anarchiste, poëte et exalté, s’est juré de tuer la souveraine. Or , il ressemble comme un double au défunt monarque.
Trouble de la reine, ivresse d’être aimé et d’aimer du jeune homme : le drame se referme comme les ronces d’une forêt magique. Il faut aimer et tuer qui l’on aime. Le metteur en scène - qui joue également le rôle de la reine - a imaginé un décor de château de l’enfance. Ne manquent ni chenets, ni feu, ni fauteuils de velours rouge, ni miroirs. Osons rêver.
Caroline Rainette évoque bien sûr Edwige Feuillère, qu’elle doit tant aimer pour l’imiter parfois si justement, mais aussi Marie Bell ou Silvia Montfort, vraiment de la race des grandes comédiennes françaises, avec toutes les qualités apprises de son maître, une autorité qui lui appartient et une élégance rare chez les jeunes femmes de son temps. Elle est royale, simplement.
Stanislas, le jeune homme-assassin, pauvre et poëte, est incarné avec une rare et bouleversante émotion par Sébastien Poulain, héros romantique tourmenté, parfaitement distribué, qui déchire la convention de ses cris d’amant blessé, lacéré par le mensonge. C’est une révélation.
Bruno Aumand, excellent "Fouché" des sommets, se révèle très convaincant, doté d’une diction parfaite, avec une belle prestance. Saâdia Courtillat (en alternance avec Cécile Rittweger) pêche par excès de grimaces et peine parfois à être audible. Enfin, Nicolas Hannetel et Daniel Schröpfer, tous deux efficaces, complètent la troupe.
Certes les costumes pourront prêter à sourire, le décor être raillé par des cyniques impitoyables, mais l’on passe un si joli moment, avec des envolées et des moments de bravoure exécutés avec grâce et talent, que le cœur y est. Cet aigle romantique vole et emporte sur ses ailes qui ose aimer. |