Comédie de Stephen Temperley, mise en scène de Agnès Boury, avec Agnès Bove et Grégori Baquet.
"Colorature", pièce américaine adaptée en français, cette œuvrette charmante, qui a fait, parait-il, les beaux soirs de Broadway, arrive à Paris après un succès certain au Festival d’Avignon.
Un soir des années soixante, un vieux pianiste, Mac Moon, évoque ses souvenirs et sa rencontre avec une toquée de la Haute société new-yorkaise qui s’est mis en tête, malgré une absence totale d’oreille et une voix atroce, de jouer la cantatrice et de louer, son argent le lui permettant, les plus prestigieuses salles de concert.
Pauvre, légèrement cynique, Mac Moon va la subir, pour payer son loyer, le tympan déchiré par ses sonorités discordantes, des années durant, non sans admirer la ténacité et la volonté de la démente.
Avec un sujet très mince, conçu pour ne pas donner de migraine aux courtiers de la Bourse et faire sourire les Nuques rouges en goguette, la pièce a été bien transposée en français par Stéphane Laporte qui n’a pas copié mais transposé : bravo !
Le spectacle vaut par la présence de comédiens excellents, Grégori Baquet, d’abord, qui chante et joue du piano divinement, charmant au sens propre, sensible, non sans rappeler le William Holden de "Boulevard du crépuscule", auprès de sa Gloria Swanson, alias Agnès Bove, à la vraie présence, qui chante assez bien pour imiter les criailleries musicales de Madame Jenkins.
On rit, on souffre (Massacre à la trompe sonneuse de nos opéras préférés) on s’émeut devant le pianiste justement accablé. Certes, la lassitude devant ce ricanement exigé et la moquerie de la Beauté peut s’installer (le contemporain se vautre dans la parodie pour essayer de vivre l’instant) mais le talent de cette paire-là emporte tout et la qualité ne se discute pas.
Le succès, mérité, est là. Agnès Boury a mis en scène cette "Classe de maître" où la maîtresse déraille et où l’employé a de la classe.
Le rythme est excellent. Un spectacle divertissant, bien calé, à l’américaine, mais avec une subtilité française qui sauve la partition et des comédiens qui jouent…tellement juste ! |