Mark Twain passe pour être un auteur jeunesse, depuis Les Aventures de Tom Sawyer et de son pote Huckelberry Finn portées aux écrans dessinés. Ce que nous savons moins (et qui est forcément moins évident vu les titres phares de son œuvre), c’est qu’il était aussi essayiste et humoriste. La réédition de Quand Satan raconte la terre au Bon Dieu nous le rappelle (ou nous l’apprend).
Le roman regroupe plusieurs écrits de Mark Twain. La première partie est une forme de provocation envers la religion (nous sommes au début du XXème siècle ! C’est donc scandaleux !), il imagine des extraits du Journal de Mathusalem (le mec le plus vieux du monde mentionné dans l’Ancien Testament), des extraits du journal d’Eve (la femme du premier homme)… et il tourne tout le pataquès en dérision, en absurde et compagnie.
Il se moque, il titille, il oppose les diktats de la religion catholique à la supposée vie de Dieu, il porte un regard cartésien sur une religion où l’ésotérisme a sa place. Certes, de nos jours, ça picote un peu mais à l’époque, c’était un peu comme manger une craquinette au piment rouge trempée dans la fine et forte moutarde au poivre… ça chauffait par où ça passait. A commencer par les oreilles des honnêtes gens qui buvaient les paroles des chasubles à la chaire.
Maintenant, on jette carrément des gros cailloux et des crachas gluants sur ces pauvres âmes qui essaient de sauver le monde avec des rites désuets mais une parole identique aux autres religions : "un monde en paix".
La deuxième partie du livre reflète le talent d’humoriste du même Mark Twain et franchement, c’est là que je me suis le plus amusée. Il y a une parodie sur les guides des convenances, avec une description détaillée de l’attitude à avoir à un enterrement, une liste de priorités des personnes à sauver en cas d’incendie, les formules de politesse à avoir envers les personnes à secourir et même des plans B en cas de confusion !
Ce roman reflète bien la personnalité acide de Mark Twain qui grandit dans une Amérique authentique et sévère (qui ne rend pas pour autant malheureux !). C’est parce qu’il connait bien son peuple qu’il peut en parler avec une dérision empreinte de tendresse. Parce qu’au contraire de certains humoristes (que je ne nommerai pas ici), on ne sent pas de méchanceté dans ces écrits Twainesques.
Pour finir, le style est parfois un peu désuet, avec des phrases qui me semblent "monocordes", sans réel intérêt pour la suite, des sortes de digressions inutiles. Mais elles ajoutent au charme de l’histoire, un peu comme si on l’écoutait nous lire ces pages, avant correction, avant maintes relectures dénaturant le vrai style de l’auteur.
Le roman vous fera passer un bon moment, peut-être même avec le sourire nostalgique du temps où parler ainsi vous attirait des foudres, où se comporter en gentlemen ou en lady voulait encore dire quelque chose, où les rustres n’avaient pas encore le monopole. |