Il s’est donné le nom d’un arbre, parce qu’il est un "Chanteur bio" ("il y a les choux-fleurs et les petits beurres, maintenant il y a les chanteurs bio !"). Et même si son vrai nom est Baptiste Lalieu, nous le nommerons désormais Saule. Pourquoi Saule et pas Tilleul ? (ça fait un peu tisane à la camomille), pourquoi pas églantier ? (ça fait un peu gland), pourquoi pas pommier ? (ça fait un peu pomme)… on l’aura bien compris, le saule est le meilleur arbre pseudonym-ifiant. Bien joué Baptiste !
Ici, là, tout de suite maintenant, son troisième album Géant, comme le bonhomme tout vert qui ne mange que du maïs ? Ou parce que Saule-le-chanteur fait pas moins de deux mètres de haut… Bref, il a pris le chemin du théâtre pour fonder un groupe, pour s’en séparer et continuer en solo. Et en Belgique. J’ai failli oublier.
Et puis la rencontre d’un clochard : Charlie Winston le hobo. C’est un peu le début de l’envolée. Il paraît que Winston adore ce que fait Saule, il le coache, le pousse au meilleur de l’encore mieux de lui-même, le conseille et l’épaule pour cet album. Précédé d’un duo "Dusty Men" tout à fait charmant, réalisé de même par the Charlie Winston. Une belle rencontre.
Mais avec la patte de Saule, l’album oscille merveilleusement bien entre la pop angliche-men, l’humour ironique (mais jamais satirique), et beaucoup d’auto-dérision. D’abord, le "Chanteur bio" où il décrit ses origines "100% naturel, 100% végétal", que j’ai d’ailleurs rapproché à la grosse société de consommation où les sticker "bio" machin et truc sont apposés sur tout et n’importe quoi pour le plaisir de nous soutirer de la menue et moins menue monnaie. Et rien qu’avec une petite chanson a priori toute gentille, Saule en donne presque une audacieuse gifle au merchandising.
Dans la même veine, "Le bon gros Géant" : "je crois bien que déjà tout petit, on me disait "mais reste assis !"..." Moi on me disait "mais tu peux te lever tu sais !" devient une ode aux bizarres pas faits comme tout le monde. Une ode à nous tous (sauf toi et toi là-bas), qui rejoint "Type normal", loin derrière les plus beaux des plus belles des meilleurs sur papier glacé, c’est-à-dire nous tous (sauf toi et encore toi là-bas).
En fait, Saule est une sorte d’ambassadeur du commun des mortels, mais il ne s’arrête pas à l’humour et à la dérision, sinon j’imagine que personne ne le prendrait au sérieux. Il sait aussi susurrer l’intimité des rêveries et des petits bouts ("Rien que pour soi"), voir la mélancolie d’un avenir certain ("Vieux"). Mais ce n’est pas tout, d’un "rock haletant", il déplore "L’inventaire (tragique) de notre amour" ("300 sanglots, 32 gifles, 2 coups de poing, 3 seaux dans la figure, 600 coups de coussin").
Saule sait même varier les tonalités de sa voix, à faire penser qu’ils sont plusieurs là-dedans. Un bel album, frais, léger qui vous colle à la peau dès les premières notes, vous fera danser, boogie woogier, rêvasser, sourire… et ravivera cette petite étincelle là, tout au fond, l’optimiste et la joyeuse (sauf toi et toi là-bas, bien sûr !). |