Ah ! Louis Le Quatorzième ! Quel mystère ta vie nous cache-t-elle encore ? Que reste-t-il à écrire que nous n’avons pas encore raconté à ton sujet ? Louis Dieudonné, brillant roi Soleil dépensier ! As-tu seulement conscience des passions que tu déchaînes encore de nos jours ? Toi qui n’es plus qu’un petit tas de poussière que les vers ont déserté depuis longtemps ? Son altesse royalissime était dilapidatrice de fortune, narcissique de sa personne, conceptrice de projets fous, passionnée d’arts, de beauté et de lutinage de jeunes donzelles qui se disputaient tes faveurs… A quel prix !
Gérard Hubert-Richou, passionné d’histoire a choisi un côté moins glorieux pour nous replonger dans le 16ème siècle : la redoutable affaire des poisons. Redoutable parce qu’elle n’épargna personne, de la poudre d’héritage aux messes sataniques, bien peu ne succombèrent pas à la facilité d’un petit poison accélérant le cours des choses. C’était avant le pouvoir de la rumeur sur réseaux sociaux.
Le Sceptre et le Venin plonge dans l’imbroglio le plus total, mêlant les plus éminents personnages de la cour aux bas-fonds crapuleux, de Madame de Montespan favorite du roi à la Voisin empoisonneuse en chef. Nous suivons Géraud Lebayle, jeune commissaire au service de Nicolas de la Reynie, grand patron de la police de l’époque, celui-là même qui nota scrupuleusement chaque remarque, chaque détail, chaque fait liant les uns aux autres, nous permettant actuellement de déberlificoter cette histoire des poisons encore parsemée de coins sombres.
Attention ! Rater une ligne du roman est à vos risques et périls ! L’intrigue est tellement complexe, les personnages en quantité, les liens inextricables, l’affaire est présentée telle qu’elle est apparue aux yeux des observateurs de l’époque. Gérard Hubert-Richou aurait tout à fait pu incarner Géraud Lebayle, tant son verbe semble présent.
Gérard Hubert-Richou a une plume précise, il nous donne tous les détails, des plus inutiles aux plus importants. Ce style a de quoi perdre le lecteur, oui mais pas seulement, il rend le lecteur actif dans sa lecture, à lui de devenir à son tour enquêteur, de discerner l’essentiel du superflu, de croiser les hypothèses et d’en tirer les conclusions qui s’imposent.
Certes, le roman est captivant, alambiqué et embrouillé, et c’est justement ce qui en fait sa force et son originalité, il retrace l’affaire des poisons dans tout ce qu’elle a eu de secrets et de complexité. Nous sommes en plein cœur de l’enquête, avec Géraud, au-dessus de son épaule, les cheveux en bataille à force de s’être passé les mains dedans, et les sourcils froncés.
Le résultat de l’enquête, nous le connaissons tous : avoir mis un coup de pied dans la fourmilière a fait fuir les fourmis et en a tué quelques unes, les autres ont eu la clémence du roi en personne, pour une raison qui lui est propre et personnelle : son cœur. |