1991 : après le succès de Bizarro, The Wedding Present rentrent en studio avec Steve Albini pour leur nouvel album. Le disque est attendu et les fans se demandent ce qu'ils vont bien pouvoir faire pour surpasser le précédent opus. Le précieux cd à la pochette épurée arrive donc sur les platines des fans après une difficile attente et avec un peu d'appréhension.
Dès la première écoute, dès le premier titre, dès les premières secondes, il est facile de sentir que l'on tient là quelque chose d'unique. Le volume est intentionellement très bas quand "Dalliance" commence. S'en suivent 40 minutes d'une plongée dans un univers sombre, violent et dans la découverte d'un chef d'oeuvre.
Le premier titre, "Dalliance" donc, annonce la donne et déroule sur 5 petites minutes une incroyable escalade dans le son, les guitares se cumulant les unes aux autres tandis que les distortions se multiplient pour créer un brouillard de plus en plus épais dans lequel la voix de David Gedge se déchire. Le malheureux qui aurait augmenté le volume de son ensemble hifi au début du morceau en sort assourdi, décomposé.
Il n'y aura aucune trêve dans l'album : sitôt la puissance du premier titre retombée, l'album enchaîne sur "Dare", court morceau à l'efficacité incroyable. Ici pas de mur de son mais une tornade dévastatrice sur le thème cher à Gedge qui est l'adultère ('Nothing can go wrong/if you're not here too long/Stay all night I dare you').
C'est sur "Suck" que l'on commence à voir l'importance de la batterie dans cet album. Là où la plupart des groupes utilisent principalement cet instrument pour donner le rythme, The Wedding Present, avec la complicité du roi Albini, le mettent au même plan que la guitare ou la voix. La batterie est omniprésente, pesante, variée et participe grandement à l'ambiance de chaque titre.
Après quelques excellents titres plus calmes, l'album atteint son apogée avec les deux morceaux siamois reliés par une ligne de larsen que sont "Lovenest" et "Corduroy". Alors que le premier propose de fabuleux roulements de batterie dans une atmosphère lourde et bruyante, le second alterne les changements de rythmes, les passages noisy et les envolées de guitares cinglantes ultra rapides à la Tommy ou George Best. Deux titres enchainés pour le sommet de l'album, deux lovesongs à la Gedge.
Après cette tempête, l'album retrouve le calme avec les derniers morceaux. Un calme tout relatif émaillé de quelques envolées distordues mais dans lequel on sent que l'orage est passé. Le disque s'achêve sur le magnifique "Octopussy", justement l'un de ces monstres marins dont nous parle David Gedge et qui retournent dans les profondeurs après avoir tout retourné sur leur passage.
42 minutes, 10 chansons (avec un seul mot pour chaque titre), à peine plus d'accords de guitare, le génie de Gedge, la patte d'Albini et un frisson à chaque écoute presque 15 ans après. L'album du siècle. |