Avec (le) B A Y O U, c'est tout un ensemble de végétation luxuriante, d'humidité et de vitalité que l'on nous sous-entend de façon à peine dissimulée. Du coup en découvrant l’EP / mixtape Loopback de ce jeune artiste, on s'attendait à quelque chose de très chaud et propice à exulter les températures des corps et la moiteur des dancefloor.
Et si nos attentes furent loin d'être déçus, Loopback a vite prouvé avoir beaucoup plus à offrir. Long de 11 pistes, ce diaporama acoustique met en place un véritable camaïeu d'électro pop s'étiolant sur une gamme délicieusement variée.
On y retrouve des intonations de rappeur, du vocodeur, des balades mais aussi une sérieuse dose d'expérimentation que l’on devinait déjà derrière son travail pour FKA Twigs. Pour faire bref, une variété de paysages qui frise le brio et s’offrant le long d’un traveling d’émotion passionnante. Et si tout ce joli monde réussit à cohabiter sans aucun heurt et à déclencher, avec une régularité hallucinante, les déhanchements des auditeurs, c’est que B A Y O U s’attarde avec une minutie digne d’un horloger Suisse, à mettre en place un univers prégnant et persistant.
Avec une judicieuse utilisation des basses comme fil d'Ariane et guide du routard de cet EP, B A Y O U nous offre une production léchée, entrecoupée de sensualité et s'appuyant sans difficulté sur les intonations douces de sa voix ("Airlock"). Loopback annonce-t-il avec une certaine nostalgie empreinte de suavité, pointant avec ingéniosité son aller-retour incessant entre les genres et les époques. Pour autant, l’homme manœuvre son style avec une classe affolante et se glisse entre les archétypes des genres de façon aussi insaisissable que les reptiles peuplant la localisation pointée par son nom.
Sans surprise il réussira, avec des titres de l'acabit de "Cherry Cola", à évoquer le meilleur de la pop britannique actuelle, l'augmentant (au besoin) d'une patine soul, ou d'une électronique contemplative comme sur le bien nommé "Drones".
L'ombre d'un James Blake semble planer au loin et pourtant certaines des constructions le placeront à mi-chemin entre Natasha Khan et Metronomy, on ne parlera pas ici de relève ou de reprise de flambeau, mais bien de la prolongation d'une lame de fond lancée depuis le tournant des années 2000.
Cette fusion qui est donc aussi une continuité s'exprime avec une profusion de chemins détournés dont le moins évident semble traverser le Bayou de ce jeune anglais. Marécage dans lequel, prédateur à l'affût, il patiente jusqu'à ce que ses mâchoires soniques se refermeront de façon inexorable sur les oreilles du quidam et les entraîner au plus profond de son marécage. |