Le terme expérimental fait souvent peur. L’angoisse peut-être de se retrouver face à une musique que l’on ne connaît pas, qui nous bouscule dans nos repères, qui nous oblige à nous interroger sur ce que l’on entend et sur le geste du musicien.
Le concept derrière l’expérimentation, ou en amont de l’expérimentation qui, pour ne pas être vaine, ne doit jamais être gratuite, est d’une importance capitale. Tout comme le ready made figuré par un objet du banal est un acte qui fait dépasser l’objet de son statut propre pour en définir une nouvelle idée, la musique conceptuelle supprime la représentation des sons pour en donner une nouvelle version.
The Tremens Archives, dont ce disque de Lunt est le huitième volet, repose sur l’envie, la nécessité même, de certains musiciens du label We Are Unique Records (Gilles Deles (aka Lunt donc), Thomas Boudineau, Imagho…) de donner corps à leurs envies d’improvisation, de défrichage et d’exploration sonore. L’envie d’expérimenter, l’audace aussi d’aller outre une esthétique.
Comme l’avoue son auteur, Water Belongs To The Night pourrait être le côté sombre de son travail. Une autre face que l’on n’opposera pas à celle plus proche de l’indie rock US de son disque Switch The Letters, mais qui fait juste partie du prisme de son champ lexical musical. Ami, tu pourras entendre ici, des milliers de sons et de couleurs. Les formes se transforment au fur et à mesure que le disque s’écoute. On pense être happé par un bout de mélodie, mais c’est un éclair électrique qui nous rattrape. On pense se reposer à la faveur d’un long piano méditatif et c’est un larsen qui nous rappelle à notre condition humaine.
Water Belongs To The Night est un voyage, une expérience (le terme est important) presque mystique, une traversée organique, où la guitare solo est le vaisseau. Cette traversée est souvent rude, il n’y a aucune cote dont nous ne connaissons les contours auxquels se rattacher facilement. Tout au plus nous savons que d’autres comme Lee Ranaldo, Glenn Branca ou Fred Frith ont emprunté ces mêmes chemins tendus au-dessus du précipice. Mais heureux qui comme Ulysse a fait ce beau voyage… |