Richard Reed Parry et Owen Pallett partagent plus que des origines Canadiennes et Arcade Fire. Ils partagent un goût commun pour la musique savante, pour une musique fine et intelligente. Il y a quelque chose de précieux chez ces deux-là, quelque chose qui touche à l’intime. Si l’un parle au cœur et à notre organisme, l’autre parle à l’âme.
Richard Reed Parry Music for Heart and Breath (Deutsche Grammophon, juin 2014)
Chez Reed Parry, c’est le corps humain, le rythme de l’enveloppe charnelle, leurs fonctions involontaires et naturelles qui servent de guide. Le musicien influencé par la musique "classique" contemporaine (de John Cage à Stockhausen, en passant par Arvo Pärt ou Pierre Schaeffer) a demandé aux musiciens Nico Mulhy, le yMusic ensemble, le Kronos Quartet et Aaron et Bryce Dessner (The National) de jouer les compositions au tempo des battements de leur cœur (écouté grâce à un stéthoscope) ou de leur respiration. Le résultat est fascinant, les compositions pleines de fragilité semblent presque parfois spectrales et au fil des écoutes sonnent comme une évidence. Le rythme devient squelette, les notes deviennent épiderme, les mélodies l’hémisphère droit de notre cerveau. Plus organique que purement cérébrale, la musique de Reed Parry agit comme une inspiration / expiration.
Owen Pallett In Conflict (Domino / Secret City, mai 2014)
La musique d’Owen Pallett (anciennement Final Fantasy) bien que différente dans sa forme plus pop est dans le fond toute aussi touchante et poignante… Et ce In Conflict est la preuve de son immense talent. Un talent qui se diffuse dans ses collaborations (Fucked Up, The National, Beirut), dans son travail de producteur, d’arrangeur (Taylor Swift par exemple), dans ses analyses musicales de Daft Punk, de Katy Perry ou encore de Lady Gaga dans Slate ou bien sûr et surtout dans ses compositions et ses mélodies.
Ce qui se dégage le plus de ce disque, c’est cette capacité d’allier de grandes mélodies, un orchestre symphonique pleinement employé (le Filmharmonic Orchestra de Prague sonne comme rarement) et un univers musical qui lui est propre. Comment ne pas se sentir happé par cette musique pleine de grâce, d’apparence (et seulement d’apparence) simple mais non dénuée d’une véritable puissance émotionnelle, mélange d'élans orchestraux, de pop vertigineuse et de musique électronique ?
Sombre et torturé, In conflict traite de la dépression, de la compassion, de la douleur, de l’identité sexuelle. Si le trouble est partout, il est assez évident de sentir la douleur et l’empathie que Pallett s’efforce de transmettre. De ce pathos, il fait ressortir une musique intense, lumineuse, d’une grande richesse, entre fulgurance et acmé mélodique. La présence de Brian Eno (aux claviers, guitares et aux chœurs) n’y est peut-être pas pour rien, notamment dans l’enveloppe sonore globale. Reste une musique belle (à pleurer parfois), un disque définitivement magnifique.
Oui, Richard Reed Parry et Owenn Pallett partagent plus que leurs origines et le barnum Arcade Fire. Ils sont pour le premier le corps et pour le second l’esprit d’un même organisme musical. |