Réalisé par Vincent Grashaw. Etats-Unis. Drame. 1h44 (Sortie le 9 juillet 2014). Avec P.J. Boudousqué, Chris Petrovski, James C. Burns, Octavius J. Johnson et Nicholas Bateman.
On a perdu l'habitude de ces films américains qui prenaient appui sur une histoire menée classiquement pour en profiter pour dénoncer une réalité sociale occultée ou ignorée du plus grand nombre.
Aux débuts des années 1930, "Je suis un évadé" de Mervyn Le Roy montrait la réalité des bagnes américains et aboutissait à leur réforme.
"Coldwater" renoue avec cette tradition dite de "gauche". Sauf que le film de Vincent Grashaw n'a même pas besoin de prendre une couleur politique quelconque pour faire mouche. Sa description implacable des camps de redressement pour adolescents se suffit à elle-même pour interroger le citoyen américain.
"Coldwater" plonge immédiatement le spectateur dans un monde totalement arbitraire. Car, ici, le placement dans ses institutions ad hoc ne dépend pas d'un acte de police ou de justice mais de la simple volonté parentale. Un adolescent difficile, voire - on le verra dans le film - un adolescent qui "a de mauvaises notes" peut se retrouver contre sa volonté dans un de ces camps militarisés dans lesquels la notion d'habeas corpus reste à inventer.
On suivra dans "Coldwater" le parcours du jeune Brad Lunders de son arrivée à son évasion dans un de ces camps où les brimades, la maltraitance, la violence sont la règle et conduisent à bien des drames.
"Coldwater" est un lieu isolé, en pleine campagne, où, "pour leur bien", est appliqué un programme de rééducation pour des jeunes gens qui connaissent des difficultés sociales ou comportementales. À sa tête, un ancien militaire, le colonel Frank Reichert, s'est fait la tête butée d'un Clint Eastwood de second ordre. On imagine tout ce qui peut advenir à un ado difficile confronté à des "pédagogues" de ce genre.
Suspense efficace, riche en péripéties, "Coldwater" de Vincent Grashaw monte doucement en puissance pour s'achever dans un chaos d'une brutalité rare.
On espère que ce film convaincant et réussi, avec de jeunes acteurs motivés et de vieux routiers solides comme James C. Burns (mieux qu'un ersatz de Clint) a touché sa cible aux États-Unis car il montre un aspect jamais traité de cette immense colonie pénitentiaire qu'est le pays à la bannière étoilée.
Pendant salutaire aux films fascisants où plastronnent Bruce Willis et Jason Statham, "Coldwater" de Vincent Grashaw donne une autre image de l'Amérique. Loin du cynisme étasunien dominant, il laisse entrevoir le retour d'un cinéma humaniste. Ce n'est pas rien. |