Claire Vailler et Mocke, alias Midget !, venaient de conclure la session qu'ils offraient à Froggy's Delight par "Le Légume Mésopotamien", extrait de L'Anguille, l'album solo et instrumental de Mocke. Il était temps de passer aux questions à propos de leur nouvel album, Bois & Charbon, album cérébral dont les mélodies en chausse-trape captent pourtant l'auditeur au bout de quelques notes seulement. Au Ciao Gnari, cave à vin du XXème arrondissement de Paris, tandis que nous nous attelions devant un excellent verre de rouge de la région de Turin, Claire se contentait de miel et d'eau chaude pour apaiser sa gorge irritée. C'est pourtant bien à deux voix, comme sur leur disque, que Midget ! avait à cœur de nous expliquer la genèse du successeur du très délicat Lumière d'en bas.

On parle souvent de la pression du deuxième album. L'avez-vous ressenti ?

Mocke : On ne s'est pas du tout mis la pression. Je croyais que la pression, c'était pour le troisième album. Ça doit être pour ça.

Claire : De manière générale, on ne se met pas la pression.

Mocke : On n'a pas réfléchi. On voulait juste écrire cet album rapidement pour rester dans une sorte de foulée. Ensuite, c'est naturellement que l'album s'est écrit en français. A dire vrai, nous sommes dans un réseau plutôt confidentiel, composé d'initiés. Ce n'est pas comme si nous livrions notre album au grand public. On a presque l'impression qu'on le fait simplement en résonance à ce qu'on a envie dire.

Claire : On essaie de faire ce qui nous ressemble le plus. Nous savons que ce disque trouvera d'abord, et presque uniquement, un écho auprès d'un public qui nous connait déjà. Nous n'avons pas l'ambition d'aller convaincre le monde entier de nous écouter.

Vous dites que l'album s'est écrit rapidement. Ça contraste donc avec votre premier album que vous disiez avoir enregistré un peu au jour le jour. Vous êtes-vous mis des contraintes particulières sur l'enregistrement de Bois & Charbon, voire des contraintes en terme d'écriture ?

Claire : Non, nous ne nous étions pas mis de contraintes de temps. Puisque nous vivons ensemble, nous avons l'avantage d'avoir beaucoup de temps pour les enregistrements. Ce qui est commun aux deux albums, c'est qu'après l'enregistrement d'un morceau, nous laissions passer un peu de temps. Si, lorsque nous le réécoutions, nous n'étions pas entièrement satisfaits du résultat, nous l'enregistrions à nouveau. On pouvait revenir sur les chansons à tout moment. La création s'immisce ainsi un peu à n'importe quel moment de notre vie. C'est pourquoi je trouverais intéressant de savoir ce que ça donnerait si nous n'avions que 15 jours pour enregistrer en studio, que nous devions faire face à cette forme particulière d'urgence.

Mocke : On ne parle normalement pas encore du troisième album, mais nous souhaiterions trancher avec cette espèce de formule de temps que nous laissons se dilater. Nous voulons trouver une nouvelle durée pour notre prochaine réalisation.

Si la création peut apparaître à tout moment de votre vie, comment Flavien Girard (batteur de feu Angil & The Hiddentracks) s'est-il intégré au projet ?

Mocke : Il est venu après que nous ayons déjà bien avancé les morceaux.

Claire : Oui, la batterie est venue ensuite. Nous n'avons pas joué sur des choses qu'il nous proposait.

Mocke : On a pensé à lui parce qu'on l'aime beaucoup comme batteur, et aussi comme être humain. Nous avions eu l'occasion de jouer ensemble sur scène, et il nous avait apporté un fort sentiment de soutien en arrière.

Pour Mocke. Tu chantes sur "L'Occident" et sur "Les Soupirs Encore". Est-ce une découverte du plaisir de chanter ?

Mocke : Étrangement non. En fait, je chante depuis longtemps. Dans mes premiers groupes, je chantais et jouais de la guitare. L'envie de chanter revient par période. Puis repart d'ailleurs aussi rapidement (rires).

Claire : Il y a un morceau, "Je m'en remets", où Mocke chante en lead mais qui n'est pas sur l'album. Il est en écoute sur internet, sur une Mostla Tape qui regroupe les morceaux que nous avions enregistrés et que nous n'avons pas gardés pour Bois & Charbon.

Mocke : Si je chante peu, c'est en partie à cause de la scène. En live, je n'ai pas envie de chanter. J'ai surtout envie de jouer de la guitare, de faire des solos, et donc de me débarrasser de ce micro en face de moi.

Claire : Mais j'aime bien quand nous chantons ensemble. Nos deux voix fonctionnent bien en harmonie, et j'aimerais aller encore davantage vers ça.

A l'écoute de l'album, je trouve qu'en terme de production, il y a des morceaux qui prennent un virage plus pop. A l'avenir, peut-on imaginer une exploitation plus commerciale de certains morceaux, sous forme de single par exemple, pour justement vous ouvrir vers un public plus large que ces initiés dont vous parliez tout à l'heure ?

Mocke : On ne va pas dans cette direction. Si ça se présente, c'est que ça se sera fait de manière naturelle. Mais on ne pense pas en terme de single. On aurait même tendance à saboter les choses qui coulent trop facilement, à insérer des breaks...

Claire : ... à étendre la durée d'un morceau pour qu'il sorte des formats radio, à ajouter des trucs trop bizarres par moment. Le single n'est vraiment pas une quête pour nous, et ça ne le sera jamais. Si les gens aiment ce qu'on fait, c'est justement parce que nous ne faisons pas de compromis.

Mocke : Surtout nous n'avons pas envie de nous formater. Nous n'avons pas envie de nous adapter à France Inter par exemple, nous avons plutôt envie que ce soit France Inter qui s'adapte à nous. On peut très certainement attendre longtemps. (rires)

Pour Claire. Lorsque tu entends Mocke sur d'autres projets, te dis-tu parfois que tu aurais eu envie d'être associée à tel ou tel morceau ?

Claire : Bien entendu. Sur L'Anguille, l'album instrumental de Mocke, il y a "Charité bien ordonnée commence par soi-même" qui m'a fait totalement fondre. Je me suis dit : "je veux chanter dessus". Alors j'ai écrit des paroles, et c'est devenu "Chemin sans chemin", qu'on trouve sur "Bois & Charbon", avec une orchestration différente puisque Flavien joue dessus. J'ai fait mon caprice (rires). Mais aussi, c'est en raison des textes qu'il a écrit pour Holden, que je me suis dit que je pouvais chanter en français. Au départ, je n'avais pas l'impression que le français serait un outil par lequel je pourrais m'exprimer. C'est grâce aux textes de Mocke, en français et qui me touchaient, que je me suis à mon tour permis d'écrire et de chanter en français. Ce n'est pas rien.

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