Comédie dramatique de Gabriel Laborde, mise en scène de Charlotte Forest, avec Gabriel Laborde, Thibault Truffert, Guy Bourgeois et Jean Philippe Mas.
C'est dans l'intimité d'une cellule du Château d'If, avec paille et lit misérable, que nous installe d'emblée "Le prisonnier du Château d'If".
Les survivants d'un monde où lire "Le Comte de Monte-Christo" était un acte fondateur de l'adolescence préparant au émois romantiques du "Grand Meaulnes" seront ravis de retrouver Edmond Dantès et la figure étonnante de l'Abbé Faria.
Étonnante et fascinante. Car l'adaptation scénique de Gabriel Laborde rappelle que ce personnage extravagant était une espèce de Robinson Crusoé enfermé dans un cachot, un homme libre dont le corps était entravé. Ce rêveur immobile en haillons, ce fou raisonnable, ce milliardaire possédant un trésor imaginaire bien réel intriguera touts ceux qui ont eu le malheur de passer à côté du roman de Dumas ou de ses nombreuses adaptations cinématographiques.
"Le prisonnier du Château d'If" est une très belle introduction au chef d'oeuvre d'Alexandre Dumas, tout autant qu'un vrai moment de théâtre. Dans sa mise en scène, Charlotte Forest a su subtilement montré le temps infini qui passe entre le moment où l'abbé Faria et Edmond Dantès peuvent communiquer, aller d'une cellule à l'autre.
Rythmée par les visites de l'inspecteur des prisons, de plus en plus décati, la vie des deux prisonniers oubliés rêvant d'évasion impossible devient l'occasion d'un passage de témoins d'un maître à un disciple.
Gabriel Laborde est un Dantès bien plus convaincant qu'un Depardieu entrant Guillaume au château d'If et ressortant Gérard ! Sa légitime colère et sa souffrance surhumaine sont tempérés par un Abbé Faria dont Thibault Triffert fait un personnage presque comique, à mi-chemin du professeur Tournesol pour l'allure et de Jerry Lewis dans "The Nutty professor" pour la voix aigüe.
Guy Bourgeois, en geôlier gueulard et alcoolique, et Jean-Philippe Mas, en inspecteur des prisons, inutilement compréhensif, complètent cette judicieuse distribution.
En choisissant un des moments forts du roman de Dumas, Gabriel Laborde a su rendre hommage à la haute fantaisie du génial auteur des "Trois Mousquetaires". Il permet aussi de comprendre pourquoi tant de lecteurs du monde entier ont été depuis presque deux cents ans fascinés par ces deux réprouvés imaginaires du Château d'If, où naguère, on pouvait visiter leurs cellules.
On espère que ce travail convaincant donnera à beaucoup de spectateurs, notamment parmi les adolescents, l'envie de se replonger dans l'univers de Dumas.
Ah... Un petit conseil à Edmond Dantès pour ses prochaines évasions : qu'il n'oublie pas en entrant dans son sac de se munir des ciseaux que l'Abbé Faria a façonnés astucieusement, sinon ses aventures s'achèveront bien vite au fond de la Méditerranée... |