Ibeyi, on le sait maintenant, signifie jumelle en Yoruban. Pourtant, même si Naomi et Lisa sont indéniablement lignées par le sang et le son qui semble innerver jusqu’à la plus infime partie de leur être, elles n’en demeurent pas moins différentes.
En signant leur premier album éponyme, les sœurs infusent une vitalité sans pareil dans pas moins de 13 titres. Jonglant entre le français, l’anglais, l’espagnol et le yoruban, Ibeyi représente avec justesse la collision de deux univers artistiques, sur les ruines desquelles émerge une personnalité suave, moderne et imparable.
Déjà, avec "River", elles imposaient une esthétique en équilibre entre une soul classique, lorgnant sur les territoires d’une Erikah Badu ou d’une Me’Shell Ndegeocello avant d’emprunter l’infatigable expérimentation d’une Neneh Cherry. Mais ne soyons pas réducteur, car du haut de ses treize titres, Ibeyi embrasse un panorama large, pour ne pas dire universel. Depuis les rythmes Jazzy intemporels de "Mama Says", jusqu’aux créations spacieuses et obsédantes dans la veine d’"Oya", le duo fait preuve d’une consistance ensorcelante.
Le voyage est si profond et intense que les rencontres se multiplient au détour de chaque boucle. Electroniques ou non, elles évoquent le continent Africain ou Cuba, des déités, la passion ou encore la dualité de leur fratrie. Un équilibre qui se construit en grande partie autour des aspects pluriculturels des sœurs qui n’est pas sans rappeler Andreya Triana, Eperanza Spalding ou l’album Bravebird d’Amel Larrieux. Toutes ces entités s’affirmant comme enfants de leur époque, mais aussi comme héritières d’une culture à part entière.
Affinées entre les mains de l’illustre Richard Russel à qui l’on doit le dernier album de Bobby Womack, les jumelles nous ont rapporté d’Angleterre un véritable message d’espoir. Non seulement pour la musique, mais aussi dans la célébration des cultures aussi divergentes soient elles. Un beau cadeau, à n’en pas douter.