Comédie dramatique de Samuel Beckett, mis en scène par Jean-Claude Sachot, avec Philippe Catoire, Marie Henriau, Jérôme Keen et Gérard Cheylus.

Pièce de maturité, "Fin de partie" représente la quintessence de l’univers du grand dramaturge irlandais : absurdité, drôlerie et noirceur.

Dans une cellule de fin du monde, Hamm, seigneur aveugle et déchu, soumet Clov, infirme et patient serviteur, tandis que ses vieux parents, de leur poubelle, échangent de vains souvenirs, vieillards-épaves, et rassurent, par leur gâtisme, le trop conscient, trop pensant Hamm, dans l’épouvantable possession et jouissance douloureuse de ses moyens mentaux. Vivement l’arrêt de cette machine aveugle, la vie !

Jean-Claude Sachot, assisté de Bérengère de Pommerol, a conçu une mise en scène implacable, une cave à supplices, où l’esprit se cogne aux murs, heurtant la lampe qui n’éclaire que des visages morts et des âmes desséchées, collées aux parois.

Philippe Catoire incarne un Hamm de cauchemar, atroce de répartie, croquemitaine foudroyé, qui peut tuer toujours inoubliable. Jérôme Keen, lui, brisé, rompu, est Clov, ulcérant de bonne volonté, aux pieds de son maître, sarment d’humanité foulé sous les roues, qui se redresse et qu’on couche de nouveau, comme une herbe, comédien immense et sensible.

Gérard Cheylus est magnifique, troublant en vieux père noble quémandant son biscuit, tandis que la bouleversante Marie Henriau, la mère, lui donne la réplique, le sourire usé, la grâce rompue.

Les costumes de Frédéric Morel habillent adéquatement le néant, aidés des lumières de Laure Bérend.

Samuel Beckett continuera longtemps de déranger. Il faut aller voir ce formidable spectacle qui désintoxique de la prétendue réalité.