T'avoir connu
(Le Furieux / Musicast) février 2016
Elle débuta sa carrière d’éloquence en disant ses textes sur des scènes parisiennes. Et puisque des jolis mots à la musique il n’y a qu’un pas, Armelle Dumoulin le franchit après la rencontre des musiciens Antoine Sahler et Alexandre Leitao. S’ensuit deux albums et le troisième sur lequel nous nous rencontrâmes : T’avoir connu.
S’il ne fallait retenir qu’une chose de cet album, ce sont les mélodies qui le sillonnent tout au long des pistes, comme on trouve des fleurs dans les trèfles ou d’impromptues pâquerettes en hiver. Chaque titre tire un sourire et un irrésistible dodelinement de la céphalée. Mieux que les improbables mises en situation d’une séance de sophrologie où grimper aux rideaux reste un fantasme inachevé.
Armelle a une façon bien à elle de phraser ses textes, entre la saccade et la mélodie, un brin de voix a priori commun qu’elle sait rendre unique et identifiable parmi les autres batifoleurs de mots.
"Ta marque sur le genou, t’en parle pas beaucoup… c’est les marques aux genoux qui nous tiennent debout, t’as beau tourner le cou, elle ne s’en va qu’un peu" : la gueule de tes genoux pour parler de nos cicatrices de la vie sans les nommer, entre gros bobos et drames, de ces moments difficiles où il a paru impossible de se relever, et de ces autres où les cicatrices nous rappellent le chemin parcouru.
Bien qu’ils semblent s’aligner sur les thématiques préférées des français (amour, guerre et sexe - ordre à définir), les titres ont le mérite de sortir des sentiers battus et de proposer d’autres manière d’aborder les quotidiens : "Comme le fit dieu pour saint jean de la croix, honneur, à celui-ci" ("Honneur")… pour cette foutue fierté qui nous rend digne d’avancer la tête haute et le dos droit.
Les mélodies entêtantes et fraîches sont également le fruit de la collaboration de Miss Dumoulin avec Paul Jothy et Eric Mouchot. Une basse, un clavier, une batterie et Armelle-la-plus-belle entonnant un terriblement enveloppant "oulala… oulalalala... lala" ("Oul la la").
L’album serait donc une longue lettre ouverte à d’anciens moments, transposable à une rupture, un abandon, un changement, à ce moment spécial et douloureux où il nous a fallu arrêter, et tourner une page douloureuse pour accueillir les lendemains qui chantent.
Sans déprime et avec une nonchalance bienveillante, Armelle Dumoulin nous propose T‘avoir connu, comme une parenthèse de musique à la tristesse joyeuse et au son léger comme une bonne grosse mousse à boire directement au goulot sans modération (et avec une touche d’armagnac pour réhausser les saveurs). Distinguée.