Réalisé par Manoel de Oliveira. Portugal. Biopic. 1h10 (Sortie le 6 avril 2016).
On croyait Manoel de Oliveira immortel, il est finalement mort à 107 ans, l'année dernière. Mais, heureusement, ses films restent et resteront.
Pour l’instant, commence une nouvelle ère : celle où vont apparaître des films ou des projets inconnus ou peu vus.
C'est le cas de "Visite ou Mémoires et Confessions", sorte de point sur une déjà longue vie, puisque Manoel, né en 1908, est déjà âgé de 74 ans quand il se filme pour cette œuvre autobiographique. Ce qu'il ignore, c'est qu'il lui reste plus de 30 ans à vivre... et qu'il va occuper ces trois décennies à faire constamment des films.
Alors qu'il semble ici en train de faire le bilan d'une vie de grand bourgeois lusitanien devenu cinéaste par ennui pour les activités de sa classe sociale, à commencer par la gestion du patrimoine familial, il a, en fait, à peine amorcé l'oeuvre qu'il va accomplir !
Car, s'il a officiellement commencé le cinéma en 1931, avec un moyen métrage, et réalisé son premier "vrai" film en 1941, avec "Aniki Bobo", il n'a tourné que 5 longs métrages au moment où il se confie à la caméra. Peut-il réellement imaginer qu'il va en ajouter six ou sept fois plus à sa courte filmographie ?
"Visite ou Mémoires et Confessions" de Manoel de Oliveira sera donc pour les admirateurs du cinéaste un moment émouvant pour approfondir leur connaissance de sa personnalité. Tout ce qu'on imaginait se confirme : Oliveira est un homme d'une grande réserve, peu expansif, peu porté à se vanter.
Ce qu'il confie est, comme son œuvre, à la fois minimal et essentiel. De l'amour filial à l'amour paternel, Oliveira brosse sa vie d'homme avec pudeur. On sent, notamment, tout l'amour et le respect qu'il porte à sa femme qui lui a permis d'emprunter ce chemin de traverse, ce parcours singulier hors de la bonne société de Porto.
On le découvrira semblable à son cinéma, doux et rigoureux. Derrière sa retenue, on pressentira le poète porteur d'une secrète fantaisie.
Pour ceux qui ne le connaissent pas ou ignorent son cinéma, tout cela paraîtra étrange et désuet. Qu'ils aient en tête une évidence qu'il ne formule pas par modestie ou timidité : à l'écran, il y a un artiste, un grand artiste. Quand il tourne ce film, il vient d'achever l'un de ses chefs-d'oeuvre, "Francisca".
Dans ses confessions si mesurées passent peut-être le même feu romantique caché. En tout cas, cet homme affable, au sourire légèrement mélancolique, donnera sans doute envie à quelques-uns d'entrer dans son univers ou à quelques autres de s'y replonger.
"Visite ou Mémoires et Confessions" de Manoel de Oliveira est un beau préambule pour le voyageur cinématographique qui prendra la direction du "Val Abraham" ou d' "Amour de perdition". |