Leur nom rend hommage à une performance dans laquelle l'artiste allemand Joseph Beuys met en scène la mort et la renaissance de l’art : Action Dead Mouse.
A l'occasion de la sortie de leur dernier album, Cascata (ndrl : Cascade en italien), nous avons rencontré Filippo Dionisi, le chanteur, de l'eau dans cet album humide, des gestes d'amour envers le vinyle, et des listes des cours (musicales)...
Cascata est sorti le 19 avril. Parlez-nous de cet album. Comment le décririez-vous à quelqu'un qui ne l'a pas encore écouté ?
Filippo Dionisi : Cela serait bien qu'une personne qui ne l'a pas encore écouté le fasse, pour nous dire ce qu'elle en pense.
Je crois qu'au niveau de la musique, on a suivi notre folle obstination de jouer "compact" et on a beaucoup compté sur les loops de guitares en direct. Au niveau des paroles, après le premier EP en italien, né de l'expérience linguistique et syntaxique de mettre la même phrase dans des contextes narratifs différents, on avait envie de voir si l'on était capable de tenir ce type de tension pendant toute la durée d'un LP.
Je pense qu'au-delà de l'aspect émotionnel et paradoxalement intime, il y a un fil rouge qui, d'une manière ou d'une autre, lie toutes les pistes et que Cascata, pour cette raison, est un disque humide. Il y a tellement d'eau, en présence ou en absence. Il y a des piscines. Il y a des tempêtes d'été. D'autre part, comme a écrit Don DeLillo, rien adhère mieux au corps que l'eau.
Vos premiers albums (Pets and Nerds Attack Planet Earth ! en 2008 ; Revenge of Doormats and Coasters en 2009) sont en anglais et la voix est plutôt en arrière-plan par rapport à la musique. Pourquoi et comment est arrivé le passage à la langue italienne ? Qu'est-ce qui a changé dans votre approche de l'écriture ?
Filippo Dionisi : Les albums dont tu parles sont sortis en France, grâce au support de Greed Recordings, et je pense que c'est l'origine de cette interview.
Moi j'ai toujours pensé à la voix comme un instrument et surtout au début, je la concevais comme quelque chose évoquant une image, en utilisant très peu de mots. Cela a toujours été un jeu étanche et essentiel.
C'est peut-être aussi arrivé parce que, quand tu ne maîtrises pas la langue des paroles que tu chantes, tu cherches - comment dire - à limiter les dégâts. Le passage à la langue italienne est arrivé presque par hasard, si bien que Perché questa cosa ci esplode negli occhi ? est sorti en même temps que ä. Ce n'était pas prévu.
Tout simplement, j'ai pensé de façon présomptueuse avoir quelque chose à dire et de savoir comment l'exprimer. J'ai dilaté les images et j'ai mis de côté la pudeur, que l'on a souvent quand on parle de choses qui nous sont proches et que l'on connaît mieux. Cependant, il y a une règle : nous ne pouvons pas mentir. Sinon, cela se voit. Sinon, ça n'en vaut pas la peine.
Quelle est votre manière de composer ? Comment naît un morceau d'Action Dead Mouse ?
Filippo Dionisi : Celui qui ne nous a jamais vus en concert, justement, ne peut pas savoir que les milles guitares que l'on entend dans l'album n'est finalement qu'une guitare échantillonnée en direct, en stratifiant les riffs et en ajoutant des détails.
Tout cela pour dire que j'écris l'ébauche d'un morceau, de la première à la dernière note, parce que j'ai toujours pensé qu'il y a un très fort lien entre le texte ou le concept et le son. Puis je le fais écouter aux autres et on y travaille tous ensemble et on se permet de tout bouleverser ou de tout rejeter. C'est déjà arrivé. Évidemment ce n'était pas le destin.
Cascata était en téléchargement gratuit sur votre Bandcamp dès que l'album est sorti, ainsi que tous vos autres albums. Pourquoi ce choix de distribution ? Comment vous placez-vous en tant qu'auditeurs ? Est-ce que vous préférez : un album, un vinyle ou une cassette ou êtes-vous plutôt fans de MP3 ?
Filippo Dionisi : Nos albums - je te parle des derniers - sont fait exprès pour être enregistrés sur vinyle. Ce que beaucoup de gens considèrent comme une perte de temps, c'est-à-dire le geste de se lever, sortir le vinyle et le placer délicatement sur la platine sans toucher l'aiguille est pour moi un acte d'amour. Et je pense que c'est ce qu'un musicien devrait demander aux auditeurs en échange de ses efforts. Je pense que la musique doit tourner (dans tous les sens possibles) et que le seul support qui a sens d'exister est le vinyle.
Comment puis-je te faire payer quelque chose que tu ne peux pas toucher et qui a en moyenne une qualité beaucoup plus faible que le minimum qui faudrait pour valoriser le travail d'un musicien ? Je préfère que tu écoutes gratuitement mon album et seulement après que tu décides si tu veux me soutenir en achetant ce que pour quoi j'ai vraiment travaillé.
Je ne peux pas parler pour les autres mais moi je n'achète que des vinyles. Je ne considère même pas la cassette, parce qu'il ne s'agit juste que d'une mode. Quant au CD, je me demande comment il n'est pas encore mort, même si cette fois on a décidé de donner confiance à ceux qui n'achètent pas nos albums avec l'excuse de ne pas savoir comment les écouter et nous incluons également dans le paquet une version CD à l'intérieur. On verra qui a raison.
Quelles sont vos plus grandes inspirations ?
Filippo Dionisi : Je n'en ai aucune idée. Je peux te dire que j'écris ce que je vois et parfois cela m'arrive de voir ce que j'écris. Et ça me fait un peu peur.
Cela fait des années que vous jouez et vous avez porté votre musique en Italie et à l'étranger. Est-ce que vous avez aperçu des différences dans le public ?
Filippo Dionisi : Cela fait des années mais je ne peux pas faire de comparaison. Ça dépend surtout des situations, du moment et malheureusement aussi de la promotion qui a accompagné l'album.
Je me souviens avec plaisir de notre dernière date à Paris, à l'occasion d'une soirée Greed Recordings au Rigoletto. Je pense c'était en 2009. Il y avait du monde. Vous étiez là aussi.
En Italie, on a de beaux souvenirs surtout à Rome et Naples. Je pense que c'est grace au staff de This Is Not A Love Song (Andrea Provinciali, Brizio e Liborio) et de Fallo Dischi.
Qu'est-ce que vous écoutez en ce moment ? Conseillez-nous des artistes italiens et étrangers à découvrir.
Filippo Dionisi : Encore une fois, je ne peux répondre que pour moi. Ça va t'étonner mais j'écoute beaucoup d'électro, de soul et de hip-hop. En particulier, j'ai "usé" Dark Red de Shlohmo et Sour Soul de BadBadNotGood feat. Ghostface Killah.
Côté italiens, je pense qu'Alessio a fait un super travail avec l'album de Giona et je pense que tout le monde devrait connaître Urali et HAVAH, le projet dark-new wave de Michele Camorani qui joue avec La Quiete et Raein.
Voilà. Je ne voulais pas faire de liste et j'ai fait une liste de courses.
Merci beaucoup pour votre disponibilité.
Filippo Dionisi : Je t'en prie.
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