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Renoncer à ne pas devenir folle  juillet 2016

Episode 6 : Renoncer à ne pas devenir folle

Mickaël : Vous connaissez le mythe littéraire de la Folle dans le grenier ? Les exemples sont légion, de Bertha dans Jane Eyre à La Prisonnière des Sargasses de Jean Rhys, l’histoire de cette prétendue folle, relue d’un point de vue féministe. Aucune ne l’est vraiment, au fond. En musique aussi, il y a des disques de Folles dans le grenier : "You’re not mad you’re just lonely" de Delphine Dora et Half Asleep, "White Chalk" de PJ Harvey, et tout un tas d’albums des soixante dernières années.

Dans son dernier album, Cate Le Bon va encore plus loin : "I’m a dirty attic", chante-t-elle. Autrement dit, elle dépasse la condition de Folle dans le grenier : elle EST le grenier. Deleuze aurait adoré. J’avais envie d’en discuter un peu avec Sing Sing, du groupe Arlt, parce que je vois une filiation assez évidente entre leur musique et la sienne. Voici notre échange (que je reproduis avec la syntaxe particulière de Sing Sing, parce qu’à le lire il me semble l’entendre parler) :

Mickaël : Le parallèle le plus évident à mes oreilles, entre Cate et vous, ce sont les "aaaaaaah". C'est primordial chez les Madwomen, les aaaaaah. Trish Keenan [de Broadcast] en avait fait tout un art ; et la grande prêtresse du genre, c'est Nico. Je voulais donc te demander ce que tu pensais de cette idée, si tu voyais ce que je veux dire.

Sing Sing : Je ne suis pas sûr. Les aaaah ? Vocaux ?

Mickaël : Vocaux, oui.

Sing Sing : Ah mais je ne sais pas. Tu as des exemples de aaaah dans Arlt à me pointer ?

Mickaël : La fin de "Nue comme la main"...

"Château d'eau"...

("Château d'eau", dans ma tête, ça pourrait être une chanson de Cate Le Bon, par exemple. Enfin, je veux dire que ce n'est pas difficile pour moi de l'imaginer la chanter)

"Sans mes bras", aussi (notamment en concert)...

"Je voudrais être mariée", chanson “Madwoman in the attic” par excellence...

Sing Sing : Ah ok. Bon les aaaah, c'est Eloïse qui fait ça, qui élabore ça, je ne sais pas trop, moi, pourquoi ni comment. Ouais, ça sent le truc instinctif, c'est sûr. C'est comme une ponctuation naturelle.

"Je voudrais être mariée", oui, c'est un traditionnel et comme tu sais Eloïse est nourrie de chansons traditionnelles remplies de veuves, de mal mariées, de jeunes femmes sacrifiées, de suicidées. Oui pour la ponctuation naturelle. Pour "Château d'eau" merci du compliment. Je crois voir ce que tu veux dire.

Ce à quoi Sing Sing a ajouté :

J'aime chez Cate Le Bon quelque chose qui m'intéresse moi-même beaucoup, un sentiment d'enfance un peu déviant, des ritournelles et des comptines fracassées sur des guitares anguleuses, des arrangements lunatiques, des soli dissonants, absurdes et joyeux y compris dans le trouble, y compris dans la violence.

Voilà. Il a du discernement, Sing Sing.

Flavien : Et puis il a choisi les bon mots : "traditionnel" + "instinctif". Parce que l'alliance musicale des deux tend souvent à apporter du réconfort, une paire de bras et une invitation à se sentir rassuré. Il y a de ça chez Cate Le Bon. Et comme elle est extrêmement passionnante, il y a aussi l'exact inverse. C'est cette complication qui me fait revenir à ses chansons sans cesse ; c'est ce qui me fait collectionner le moindre de ses faits et gestes consigné sur un support artistique. Je me souviens que la première chose qu'on a entendu d'elle, c'était un extrait de son premier véritable album, Me Oh My, la chanson éponyme.

A l'époque, le disque n'était pas sorti et la chanson s'écoutait en ligne dans le grand royaume des artistes émergents réunis, MySpace. Cate était une amie (virtuelle et réelle) de Megan Childs, fille de la fratrie des gallois Gorky's Zygotic Mynci. Facinants, traditionnels et rassurants eux aussi.

C'était une de ces chansons dont on a l'impression qu'on les a toujours connues ; instrumentation et contours traditionnels avec une voix blanche de maman spéciale. Une chanson de folle dans le grenier qui fredonne pour elle-même les mélodies de son enfance, quand tout allait encore pas trop mal.

Sauf que. Et là, on entre dans la définition même de la musique de Cate Le Bon : de la Sauf Que Music.

Sauf qu'après environ une minute vingt de comédie dramaturgique arrive une mélodie, certes médiévale, mais pilotée par un clavier qui joue le rôle du parfait anachronisme. La folle dans le vide-grenier, plutôt.

Ce n'était que le début, une bonne mise en jambes pour la dualité sévère qui va s'affirmer avec chaque sortie successive. Dans les autres grands amis nationaux de Cate Le Bon, il y a Gruff Rhys, champion du monde des trajectoires de carrière insondables. Encore un gallois capable de se vautrer dans le respect averti des traditions (comme pour Cate, le fait de chanter parfois en langue galloise aide à imposer le sérieux), dans la beauté profonde et dans la mise en scène grotesque.

Plus Cate va, plus elle joint les deux bouts entre l'instinct et l'acquis. En ce moment, elle consacre une partie de ces prestations scéniques à des instants d'improvisation totale, fardée de noir et installée dans des robes filmiques. C'est une autre point commun avec Trish Keenan, qui, avec le temps, semblait s'être construit un personnage public solennel et imposant, mis en valeur par un cortège de projections, de jeux de lumières et de robes-costume d'un autre espace-temps.

Plus Cate va et plus elle opte pour le maquillage permanent et plus elle casse les limites. Ce n'est pas la problématique simpliste "Cate Le Bon : fausse folle, vraie folle ?"... c'est une question de source. Cate sait conjuguer la détermination et le contrôle d'une Trish Keenan (qui, à la fin de sa vie, cherchait plutôt à se débarrasser de ces qualités comme s'il s'agissait en fait de malédictions) avec le pur instinct naïf d'un Syd Barrett. C'est le mariage parfait de la pulsion et du savoir-faire.

Cate est effectivement le grenier de la folle plus que la folle dans le grenier. Elle encadre plus qu'elle ne déjante. Alors oui, elle joue avec le feu et ses résidentes sont loin de donner l'heure, mais elle maintient toujours un certain cap pour en extraire ce qu'il y a de beau et d'intéressant.

Avec son dernier album Crab Day, Cate Le Bon casse encore un peu plus fort. Il y a un côté journée portes ouvertes du grenier. Mais c'est en fait un sacré train fantôme. On y trouve toujours côte à côte les deux attractions principales qui ont fait le succès et le caractère unique de la marque : la belle jeune fille hantée qui joue de magnifiques chansons dans une librairie remplie de références impeccables,

suivie de la désaxée sans retenue et sans scrupules qui dégorge sa mère et tout le mal qu'elle lui a fait, à tue-tête.

Ce qui est pratique, c'est que les deux font "aaaah". La première pour nous attirer, l'autre pendant qu'elle nous enfonce le crâne.

 

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Merci à Sing Sing de Arlt pour sa contribution.


Mickaël Mottet & Flavien Girard         
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