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puce Ils inventèrent l'été
Jean Larriaga  (Editions l'Harmattan)  août 2016

Première surprise : "Ils inventèrent l'été", sous-titré "une escapade estivale sous l'Ancien Régime", n'est pas un essai, mais un roman historique.

Deuxième surprise : même si l'action se déroule en 1731, aucune allusion à Louis XV le roi bien-aimé, à Versailles, aux maîtresses royales et aux guerres en dentelles. Non, Jean Larriaga a pris pour héros une famille lyonnaise dont le chef de famille est Jean-François Thierry, un maître-compagnon, un ferronnier d'art.

Un anonyme, donc, qui n'a rien à voir avec les héros d'Alexandre Dumas et dont les préoccupations n'ont rien en commun avec celles des grands de ce monde d'antan. On dirait aujourd'hui qu'il est un objet de l'Histoire plutôt qu'un sujet, qu'il subit plus qu'il n'agit.

Mais, c'est justement ce qui intéresse Jean Larriaga, et qui fait la saveur de son roman : pour la première fois, et bien avant l'émergence de la bourgeoisie et du peuple dans l'histoire avec la Révolution française, un quintet de la petite-bourgeoise émergente va prendre son destin en mains.

Oh ! Il ne s'agira pas d'une décision pensée et mesurée, les Thierry et Mathias leur apprenti vont, par le fruit de circonstances indépendantes de leur volonté, être des précurseurs. Ils seront, en effet, les premiers à tremper leurs pieds dans l'eau de mer, à s'éclabousser joyeusement dans la grande bleue.

Jean Larriaga est un raconteur d'histoires. Il l'a prouvé au cinéma, à la télévision, au théâtre et à la radio. Il n'a pas d'autres ambitions, mais comme ses personnages, il a réussi quelque chose qu'il ne s'attendait peut-être pas à réussir : il a donné une forme populaire à l'histoire version école des Annales.

Cette histoire, tant décriée comme abstraite, s'incarne avec "Ils inventèrent l'été". Jean Larriaga est le Braudel du roman historique. Les grandes tendances qui vont faire le XVIIIe siècle se lisent dans son récit qui paraît pourtant terre à terre. Ainsi toute l'intrigue naît du départ de Luce, Madame Thierry, pour visiter ses deux enfants, Mariette et Nicolas, mis en nourrice à la campagne. Elle s'inquiète de leur santé et, là aussi, elle inaugure une nouvelle ère, celle où les enfants vont compter et la famille "nucléaire" commencer à se généraliser selon les thèses de Philippe Ariès.

Au cours de leur périple "pré-Nationale 7", les Thierry cherchent - sans trop se faire d'illusions- le secours d'une eau miraculeuse pour guérir leurs enfants. Mais, finalement, ils s'aperçoivent que le "grand air", et l'éloignement du chat de leur nourrice, est propice à la disparition de leurs rougeurs et de leurs démangeaisons.

A travers tout le roman, on sent les prémisses de la déchristianisation qui guette toute une partie de la population française. Quand la famille croise un prêtre, on ne peut pas dire qu'il leur donne une haute idée de sa fonction. Jean-François Thierry et Luce Thierry, même s'ils ont parfois encore des relents de religion, ne sont déjà plus très loin d'être agnostiques.

Tout au long du roman, on sent des petits signes annonçant l'ère des Lumières. En quittant leur milieu, les Thierry deviennent plus observateurs, plus astucieux, plus en communion avec la nature. En inventant l'été, ils découvrent aussi qu'il faut éviter les coups de soleil et avoir une tenue spéciale pour aller dans l'eau... Il leur faudra bien pour cela créer le nécessaire du vacancier, de la crème solaire au maillot de bains.

Evidemment, la société n'aime pas les précurseurs, surtout quand la société est régie par une monarchie absolue. Les Thierry n'ont pas théorisé la liberté qu'ils s'octroient. Ils l'ont appliqué en toute innocence. C'est bien trop pour une société où l'ordre règne...

S'ils seront punis, comme il se doit, Jean Larriaga a bien raison de ne pas exagérer leur châtiment. Car, une fois de plus, il a compris que ce qui fait peur ce n'est pas la nouveauté, c'est la répétition de la nouveauté. Entre se prendre des vacances à l'heure où cela ne veut rien dire en un temps encore volontiers pré-capitaliste, et revendiquer quelques semaines de congés, voire des congés payés de surcroît, il y a une sacrée différence.

En 250 pages rapides et pleines de surprises, Jean Larriaga a subtilement tracé le portrait d'une époque en pleine mutation et donné à lire un roman original, drôle et émouvant.

 

Philippe Person         
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