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Interview  (Par téléphone)  mardi 21 février 2017

Belle rencontre, certes téléphonique, que celle faite avec Cyril Mokaeish autour de la sortie de son dernier album Clôture. Bel artiste aussi, intelligent, réfléchi et très modeste avec lequel il est agréable de discuter de ses goûts, de ses influences et de politique aussi. Cyril Mokaeish a des choses à dire et on l’écoute avec délectation. Un grand monsieur…

Ton dernier album reçoit depuis sa sortie des critiques dithyrambiques. Cela fait quoi de recevoir cet accueil ?

Cyril Mokaiesh : Cela fait évidemment plaisir de lire ces critiques. Dès que l’album est sorti, les premiers retours semblaient positifs. On sentait que ce disque avait une sorte de résonnance. On aimerait néanmoins qu’il y ait encore plus de gens qui aiment ce disque, que ça se ressente avec le public sur scène. Je lis en ce moment des trucs très jolis à mon égard et c’est très touchant. Mon père est très très à l’écoute de tout ce qui sort, moi beaucoup moins mais ça me fait plaisir quand même de lires des belles choses sur moi.

La première chanson, "La loi du marché", était dès l’origine prévue pour être un duo ou tu avais déjà en tête de la chanter avec Bernard Lavilliers ?

Cyril Mokaiesh : Non au départ, j’avais l’intention de la chanter tout seul. Je n’avais jamais fait de duo d’ailleurs avant, sur mes disques en tout cas et ce n’est pas quelque chose auquel je pense naturellement. Au moment d’enregistrer la chanson dans un studio à Bruxelles, il y a eu l’envie d’essayer de proposer à Bernard Lavilliers de m’accompagner. Parce que le sujet s’y prêté, parce que je l’ai beaucoup écouté ces dernières années et que je serais fier qu’on puisse dire qu’il y a une filiation entre lui et moi. J’ai toujours eu du respect et de l’admiration pour ceux qui m’ont inspiré.

Cette chanson donne une couleur engagé à ton album, album que beaucoup de critiques annoncent "engagé". De mon coté, je trouve cet album être plutôt celui d’un indigné voire d’un résigné ? Tu en penses quoi ?

Cyril Mokaiesh : Euh non, de l’indignation oui c’est sûr mais de la résignation, un peu oui, désabusée par moment, il faut un peu se détacher par moment pour pouvoir survivre. Pour ce qui est de l’engagement, je suis toujours très étonné qu’on me mette dedans, qu’on fabrique une catégorie "album engagé". L’engagement, c’est quoi à part dire des choses ? Les chansons, elles, servent toujours à dire des choses, à faire des messages, à véhiculer des idées.

Moi je me sers souvent de l’actualité pour écrire. Je n’ai pas d’engagement, je ne suis pas encarté à un parti politique, je suis un utopiste, j’aime la poésie, je suis un humaniste. Alors évidemment les valeurs de gauche ressortent dans mes textes mais je ne soutiens pas telle ou telle personne. C’est quoi être un artiste à part comprendre qu’il peut y avoir des contre-pouvoirs, des contre-pensées ? Déjà pour faire réfléchir, pour poser des questions. Aujourd’hui, notre époque, elle, ne veut pas des questions, elle ne veut que des réponses. Je veux continuer à penser que le rôle de l’artiste est de douter et d’émettre des points d’interrogation.

Cet album a aussi une dimension politique évidemment. Dans le titre "Ici en France", tu évoques la fasciste blondeur qui s’invite au débat. Ayant reconnu de qui tu parlais, penses-tu que la solution serait d’interdire ce parti en France ?

Cyril Mokaiesh : Non, je ne suis pas pour interdire qui que ce soit. Le problème est que ce parti rassemble de plus en plus de gens. Cela grâce à des facilités de langage et du populisme que le Front National manie bien. Et moi j’ai bien envie qu’on garde notre conscience, notre libre pensée et notre intelligence. Je ne pense pas que le parti national soit un parti avec ces valeurs.

Ne faut-il pas plutôt tenter de raisonner ces gens qui votent pour ce parti ?

Cyril Mokaiesh : Oui car aujourd’hui beaucoup de gens votent par dépit, Trump a été élu en Amérique. Beaucoup de gens ont envie de mettre un grand coup de balai dans tout ça. De manière un peu inconsciente ou nihiliste, ils disent on s’en fout, on le fait et on verra bien. On a Trump d’un côté aux USA, la Russie de l’autre côté avec Poutine, nous on est au milieu et il ne faudrait pas qu’on ait les fascistes en Europe maintenant, ça serait quand même dommage.

Qu’est-ce que tu attends des échéances électorales de 2017 ?

Cyril Mokaiesh : J’avoue ne pas attendre grand chose des politiques, en fait j’attends rien je crois. Pour moi la politique, elle peut se faire individuellement, de façon locale, chacun dans son espace, dans son quartier, avec des gens autour de soi. Je crois aux gens qui s’investissent et qui s’engagent au niveau local et pas qui défendent leurs propres intérêts avant même de s’intéresser aux autres. J’ai un peu de mal, j’avoue, avec ceux qu’on subit en ce moment. Cela ne me fait pas rêver, je n’y crois pas du tout.

Tu es donc un peu résigné du coup ?

Cyril Mokaiesh : Oui du point de vue de ce qui nous est proposé politiquement en ce moment, dans un système qui est présenté comme une démocratie mais qui ne convient qu’à une partie des gens. Je me pose des questions, je ne dis pas oui car il faut dire oui, car il faut voter. Je crois qu’il est temps de se faire une réflexion qui puisse amener à de nouvelles perspectives, quitte à ce qu’elles soient un peu perturbantes parce que le changement cela fait toujours peur. Je pense que c’est le moment de voir les choses autrement, sans écouter tout ce qui se passe, tout ce qu’on nous raconte à la télé.

"Je fais comme si", c’est une chanson d’amour ou une chanson politique ?

Cyril Mokaiesh : C’est totalement une chanson d’amour. C’est amusant qu’on puisse penser qu’elle soit politique. Non celle-là elle parle d’amour. "Noir c'est noir j'vide les bars, Je m'écroule tôt ou tard, Sur des miettes de nous, Je deviens fou, Et d'errance en errance, Plus rien n'a d'importance, Que ton ombre qui danse". Je pense que tout est dit. J’aime bien l’idée qu’on puisse comparer la politique avec l’amour car je pense qu’on peut faire de la politique avec amour et l’amour avec ferveur. J’aime bien l’idée qu’on puisse tout mélanger. Mais celle-là, ça reste une chanson d’amour.

On trouve aussi sur ton album des titres plus personnels, je pense à "Blanc cassé", "32 rue Buffaut", "Houleux" et "Ostende". C’était important d’évoquer ta vie personnelle et ta paternité sur ce disque ?

Cyril Mokaiesh : Les chansons d’amour sont souvent des chansons engagées. Sauf que la chanson engagée, il faut la voir dans une conception un peu plus large. Les gens ont pris l’habitude d’écouter les mélodies et un peu moins le message. L’engagement est peut-être juste à partir du moment où on se met à parler. On est artiste, on se met à nu, on raconte sa vie, celle des autres. Sinon il ne fallait pas faire ce métier : l’engagement, c’est ça.

L’engagement c’est, à un moment donné, prendre la décision d’être artiste et de prendre le haut parleur pour dire des choses. On en dit des choses, des choses amoureuses, des choses dramatiques, pas toujours très heureuses, on parle de contestations, de nos indignations. On est bien obligé, on ne parle pas de rien aussi. Alors oui, je parle de moi, il n’y a rien d’original, je ne suis pas le premier. Quand Renaud parle de Mistral gagnant, par exemple, c’est pareil. Aujourd‘hui, on est presque obligé d’argumenter quand on parle de choses. J’ai l’impression que cela devient original de dire des choses alors que cela ne l’est pas du tout.

Il y a aussi cette chanson sur les évènements tragiques de novembre 2015. Tu as ressenti le besoin d’écrire sur ces évènements ?

Cyril Mokaiesh : Ouais je me suis demandé si j’allais la mettre dedans, par retenue, par pudeur, face à un évènement d’une telle ampleur. La solution, la première, face à cet évènement, pour moi, ce n’était pas d’écrire une chanson. Mais c’était dans une période où j’avais envie écrire, et reste que cet évènement m’a traversé émotionnellement. Je ne pouvais pas beaucoup échapper au sujet. Et le sujet, à ce moment-là, c’était ça. Je me suis lancé, j’ai écrit. A un moment, je me suis demandé si j’allais aller jusqu’au bout parce que j’avais un peu de gêne. Et puis finalement, je me suis permis de le faire…

Sur la pochette, on devine la présence d’Elodie Frégé qui t’accompagne sur "Houleux". Elle t’empêche de dire quoi ?

Cyril Mokaiesh : Je ne sais pas quoi dire. Peut-être qu’elle me dit de me calmer, qu’elle essaie de m’apaiser, peut-être que c’est l’époque aussi. Elle me prend dans ses bras, peut-être que c’est moi à l’époque. Peut-être aussi que c’est moi qui essaie de prendre quelqu’un dans mes bras. Je ne sais pas... J’aime bien cette pochette en tout cas, l’idée du contact physique, d’une main devant la bouche car au final, on ne sait pas s’il s’agit de libérer la parole ou si au contraire, il s’agit de l’emprisonner. J’aime bien cette pochette.

L’album se termine par "Clôture", dont le clip est très sympa. Cette chanson, c’est le résumé des 10 titres précédents ? Une façon d’enfoncer une dernière fois le clou ?

Cyril Mokaiesh : Oui c’est vrai. C’est "Cyril Mokaeish pour les nuls".

D’ailleurs ce titre, "Clôture", c’était lui qui était prévu pour donner le nom de l’album ?

Cyril Mokaiesh : Au départ, je m’étais trompé, j’avais mis "Blanc cassé". J’avais envie qu’il s’appelle "Blanc cassé" car je trouvais que "Clôture" c’était un peu dur. "Clôture" c’est une drôle de chanson, elle amusait les amis à qui je la faisais écouter, elle émouvait aussi c’est pour ça que je l’aime bien parce qu’elle parle de sentiment général, c’est plutôt dur et en même temps, j’y mets de moi donc il y a quelque chose. Il n’y a pas de chansons qui soient des leçons, ce ne sont que des cris du cœur. On n’y retrouve donc effectivement le côté un peu désabusé, le personnage un peu bancal. Celui dont tu parlais au début de l’interview, ben voilà c’est lui.

Comment tu es sorti de cet album ? Epuisé ? Soulagé ? Libéré ?

Cyril Mokaiesh : Je suis content, vraiment content de cet album. Je l’écoute moins mais je l’ai beaucoup écouté. Je me disais que… je partais d’une guitare-voix, avec cette voix un peu brute. Puis le fait d’être parti en studio avec des musiciens que j’avais choisi, avec les bonnes personnes, de faire les arrangements, l’habillage, la magie de l’enregistrement, le choix des chansons, tout est allé très vite. Il y a quelque chose d’exceptionnel par rapport aux autres albums que j’ai pu faire faire.

Il y a plein de moments que je n’oublierais pas, des rencontres aussi, avec Bernard Lavilliers, avec Elodie Frégé, avec Giovanni Mirabassi qui tournait avec moi quand j’écrivais ce disque. Au cours de cette tournée, j’ai quasiment écrit la totalité des chansons. On en a même testé certaines sur scène ensemble. Sur ce disque, j’ai réuni tous les gens que j’avais envie d’avoir, j’ai écrit à peu près les chansons que j’avais envie d’écrire. Après il ne nous appartient plus.

Qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?

Cyril Mokaiesh : On m’a offert une platine pour écouter les vinyles donc en ce moment, je passe mon temps à chercher des vinyles. Je deviens un collectionneur de vinyles. J’ai des vinyles de Gainsbourg, Nina Simone, Léo Ferré, The Last Shadow Puppets, Bernard Lavilliers, plein d’autres aussi. En ce moment le soir, je me mets des vinyles. J’aime bien. Je découvre de nouveaux artistes aussi.

Merci Cyril de m’avoir consacré un peu de ton temps pour ces quelques questions et bravo encore pour cet album. Et bonne tournée aussi.

Cyril Mokaiesh : Merci à toi. A bientôt.

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A lire aussi sur Froggy's Delight :

La chronique de l'album Clôture de Cyril Mokaiesh
La chronique de l'album Paris-Beyrouth de Cyril Mokaiesh
La chronique de l'album Dyade de Cyril Mokaiesh

En savoir plus :
Le site officiel de Cyril Mokaiesh
Le Soundcloud de Cyril Mokaiesh
Le Facebook de Cyril Mokaiesh


Jean-Louis Zuccolini         
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