Flamboyante brune à la gouaille sympathique, Carmen Maria Vega fait d’office penser à une meilleure amie qui ne prend pas de pincettes pour vous dire que ce petit haut vous fait des fesses de baleine. Artiste de rue, chanteuse menteuse dans les couloirs du métro, Mistinguett dans le spectacle du même nom, Carmen a plus d’un tour dans son sac.
Et ce qui devait arriver arriva, un nouvel album, le troisième, Santa Maria, plus personnel et plus riche des rencontres collaboratives. De Mathias Malzieu à Zaza Fournier, en passant par Baptiste W. Hamon et Matthieu Côte, ils lui ont tous écrit un titre pour l’incarner en amoureuse passionnée ou en mère originelle.
Du satirique "L’honneur", sentiment désuet, dénué de sens, utilisé à tort et à travers pour des raisons malhonnêtes, "L’honneur pourquoi, pour s’autoriser des horreurs, c’est justifié d’être stupide, l‘honneur ça pue l’honneur, c’est quoi, ça trimballe une sale odeur, un parfum malsain et morbide… c’est un concours de bistouquettes… c’est le doigt tendu bien haut… cette insupportable fierté".
Une superbe déclaration d’amour aux envolées passionnées, "J’ai tout aimé de toi" : "il avait des épaules comme des déserts, qui a soif et qui brûle… je veux garder pour moi sa façon de dire vient, je veux garder encore, le souvenir si vivant, si doux et si plein de son rire avec le mien", hommes ou femmes, hommes et femmes dans leur fragilité la plus touchante.
Plus intimiste sur des pianos, Carmen Maria Vega construit son identité sur les vestiges épars de son passé, et l’histoire de son adoption, victime d’un trafic d’enfants condamné depuis "Le grand secret". Elle s’illustre dans "La fille de feu", entre France et Guatemala : "je suis la fille de feu, un ancien petit mec, mi-volcan, mi-volta… qui ouvre souvent son bec et si souvent son cœur de feu…"
Carmen Maria Vega possède un rare talent d’interprète possédée par ce qu’elle chante. Exaltée quand elle aime, communiquant son désespoir quand elle pleure, elle a une façon bien à elle d’incarner les paroles que d’autres ont écrit pour elle. Voilà ce qui fait d’elle une grande chanteuse à la voix puissante et riche de sensations. Ils sont tellement peu à savoir dire les passions avec leurs cordes vocales.
Plus personnel, cet album nous fait entrer dans le monde de Carmen Maria Vega, sous ses airs de madone au sang chaud, elle lève le voile sur ses fragilités, ses drames et ses questionnements. Vous aimiez déjà ses rires à gorge déployée, ses délicieuses railleries aux cordes entêtantes ("Tout ce qui fini en ine"), vous adorerez partager ses doutes et sa fragilité aigre-douce ("Aigre-doux") : "Noyé de vieilles sensations, embuée de larmes sans raison, je m’allonge et doucement je plonge, mais la mémoire me manque et les mots se dérobent, je ne sais pas d’où vient cette chanson, ce thème aigre-doux me brûle au fond, il ne m’en reste que quelques bouts, mais ils me blessent plus fort que tout".
Carmen Maria Vega est une femme brisée qui s’est relevée conquérante, sa voix est brûlante de douleurs et de tortures humaines et malgré tout, elle a développé un humour décapant, faisant irradier son aura au-delà tout là-bas. En basses sensuelles, en piano stylé, en cordes frissonnantes et en percussions enveloppantes, Santa Maria est une caravelle prête pour la conquête d’un nouveau monde.