Troisième année consécutive que je me rends au festival Europavox, toujours autant attirée par l'alléchante programmation pleine de promesses pour la musique amplifiée. Affaire qui roule n'amasse pas doute : rien à dire sur le site, petit mais bien pensé, avec cet avantage non négligeable que les concerts se passent à l'intérieur, contre vents et giboulées.
Tout commence pour moi avec le jeune poulain du label Affine Records, le timide Wandl, proposant un hip-hop gentiment psyché, en guise d'entrée en matière tout en douceur... Le scénique est plutôt pauvre, manque d'expérience oblige, type de musique également, mais le public, bravo à lui, soutient le jeune Autrichien, visiblement content de partager son monde instrumental et expérimental. Une introduction à la cool, pour une grande scène prête à exploser quelques heures plus tard...
Du coup, le groupe lituanien BA. réveille admirablement les troupes avec son rock éraillé au son très noisy, très sale, et complètement punk. Europavox a encore frappé, et c'est là son intérêt essentiel : les découvertes et claques diverses permises (souvent) par les deux petites scènes du festival (Factory et Petite Coopé).
La Coopérative de Mai a, pour ce vendredi 30 juin, choisi la poésie, la douceur... Et le contrejour. Premier temps de cette soirée : After Marianne, groupe toulousain en vogue, surfant sur la vague du joli et de l'éphémère, cherchant à poétiser le monde en creusant ses mystères, dans une "dream pop" planante, agréable à écouter, le tout porté par une voix bien placée et singulière. C'est facile et beau, c'est mignon et plein d'émotions : bref, ça fonctionne à l'écoute – même si, encore une fois, le scénique manque de quelque chose pour vraiment faire démarrer, selon moi, ce festival...
Les Puppetmastaz, par exemple. Parce que, quand même, le principe a de quoi étonner – pas seulement parce qu'il est délirant mais aussi parce qu'il fonctionne depuis 1990... On comprend très vite pourquoi : c'est drôle et remuant, le visuel soutient parfaitement le son, c'est hip-hop mais écoutable même si ce n'est pas notre style de prédilection. Un set paradoxalement satirique et consensuel, qui redonne un peu d'élan dans cette arythmie de début de festival.
We Bless this Mess, c'est un peu ce chanteur de rue qu'on entend tous les jours, qu'on trouve très bon, mais dont on ne sait rien de rien, et qu'on apprécie sans trop savoir pourquoi. Tatoué des pieds à la tête, très prolixe avec un public qu'il remercie toutes les deux secondes (s'il savait seulement combien la compréhension de l'anglais par le Français moyen est mauvaise...), entre deux âges (même s'il dit lui-même refuser de devenir adulte), Nelson Greif Reis diffuse les stigmates de son vécu dans une voix parfaitement aiguisée pour la folk la plus épineuse et sensible qui soit. Béatement amoureux de la vie et de l'échange, on se demande comment un être aussi marqué peut être aussi fraîchement naïf. Aucune posture, un naturel déroutant, en somme, un bel artiste comme on en fait (presque) plus.
Retour au contre-jour, avec Adna. Ils sont suédois, font de la pop-folk, et ont franchi un pas décisif dans cette alchimie complexe qui vise à mêler le puissant et l'atmosphérique. Cela surtout grâce à la voix inattendue de la chanteuse, fluette par la parole, forte et grave par le chant. Si ce deuxième temps à la Coopérative de Mai est d'une grande cohérence dans la programmation, si tout est de grande qualité, quelque chose pèse sur cette ambiance aérienne, peine à sortir le public, pourtant au complet, d'une certaine léthargie.
Évidemment, Deluxe et son groove à tout faire va contredire tout cela d'un revers de main se frisant la moustache. Oubliée l'intense réflexion qui cherche à produire une musique complexe pour oreille avertie, adieu les messages philosophiques entre les morceaux, à bas la prise de tête pour musique d'intellectuels, semblent nous dire les gaillards sautillants de Deluxe. Pour le coup, on revient au base d'un "Clermont vous êtes là ?" toujours aussi bête et toujours aussi efficace. Le public est hautement réceptif (on en fait partie, avouons-le), et, pour moi, le coup d'envoi de cette nouvelle édition est donné...
Le contraste est saisissant puisque c'est Agnes Obel que l'on retrouve à la Coopérative de Mai. Les conditions sont telles que l'on se trouve reléguée dans un coin de la fosse pour tenter de la prendre en photo et conserver une petite souvenir de cette grande dame. Trois fois font une coutume, puisque l'ambiance ménagée par After Marianne et Adna a parfaitement préparé le set d'Agnes Obel, tourné principalement vers la musique de son nouvel album Citizen of glass. Tout est très féminin, timide et gêné entre les morceaux, mais d'une assurance folle une fois lancée. Si ce set n'avait pas été complet, si l'audience n'avait pas fait, à ce point, bloc, on aurait pu se faufiler entre les rangs pour, nous aussi, prendre le temps de la fascination et de l'admiration de cet univers musical que rien n'égale à mon humble avis...
La soirée se terminera donc par quelques titres des Chinese Man (avec une mention très spéciale pour la qualité visuelle exceptionnelle du set), et surtout le regret d'arriver à la fin du live de Moonlight Breakfast, qui aurait été une merveilleuse conclusion swing à cette très bonne première soirée... |