Jack White et la guitare électrique sont sur un bateau, la Fender tombe à l'eau…Reste un Mr White court-circuité, qui après avoir trop titillé ses jacks publie un Get behind me Satan acoustique et pour le moins éclectique.
Radiohead avait son Kid A, album de rupture anti-commerciale après la déferlante Ok Computer. The White Stripes possède désormais le sien, et comble de la punk attitude, se rebelle non plus contre la musique en boite mais contre son propre succès, Elephant.
Avançant aujourd'hui à pas feutrés dans les coulisses du rock planétaire, Meg et Jack repassent donc à l'attaque avec Blue Orchid, single fleur fanée jusqu'à la tige aux accords power chords asséchés. L'affaire semble entendue. Et le piano rentre en scène comme un éléphant dans un magasin de porcelaine ou d'ivoire.
Oedipien à souhait, Jack White semble avoir bel et bien tué son père, le Blues électrique. Exit les Howlin' Wolf, les Robert Johnson et les Screamin' Jay Hawkins. Place aux claviers, marimbas ("The Nurse") et triangles joués avec parcimonie. Les White Stripes chantent Noël et la gloire du Christ. Telle est la première pensée qui vient subitement à l'écoute de Get behind me Satan. Suicide commerciale. Hébétude country ("Little Ghost"), ballade piano discutable ("White moon") et blues du grenier dépoussiéré ("Instinct blues") …
Constant dans l'inconstance, les White Stripes passent ici aisément entre les mailles du filet commercial. Subsistent quelques perles venues des remous marins, paradoxalement soutenues par la guitare de Jack White ("Take take take", le magnifique "As ugly as I seem"). Les rotations MTV déjà loin du rivage, une batteuse plus "Moe Tucker" que jamais et un son plus compressé qu'un crash test dummies… Tel est le pitch du White Stripes 2005 refusant le match entre le kitch et le clash.
A trop tourner le dos à ses démons, Jack et Meg accouchent d'un Get behind me Satan en demi-teinte. Un comble pour un groupe à deux couleurs… |