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puce Le Dossier M : Après et pendant l'amour
Grégoire Bouillier  (Editions Flammarion)  août 2017

A la page 102, Grégoire Bouillier s’adresse à nous avec ces mots. Il nous interpelle directement. "Avec tout ça, je ne sais plus très bien où j’en suis. J’imagine que toi non plus. J’imagine qu’avec tous ces tours et ces détours, tu as perdu le fil. Tu te demandes à quoi tout ça rime. Où je vais comme ça. Où mène ce récit ? Tu ne vois pas où il veut en venir. Tu n’es pas sûre d’avoir envie de le savoir. Tu n’as même pas l’impression de lire ce qui pourrait s’appeler un livre, tellement cela n’y ressemble pas. Je te comprends. Je ne suis pas loin de partager ton sentiment. Mais sais-tu de quoi demain sera fait ? Quelqu’un le sait-il ? C’est la même chose ici. A chaque instant, il peut se produire quelque chose qui nous éloigne de la route. Qui nous égare et nous enfonce dans l’informe. Nous voulons aller quelque part et, tel Ulysse, nous sommes entravés. Ce n’est ni rassurant ni confortable ; mais c’est ainsi. C’est le chaos. Si cela t’angoisse, ce n’est pas de ma faute. Je ne vais pas renoncer à cause de ton angoisse. J’ai bien assez de la mienne."

Avec son dernier livre, Le Dossier M, publié aux éditions Flammarion, Grégoire Bouillier nous embarque dans une odyssée littéraire unique et incroyable comme lui seul est capable de nous proposer. Je connaissais l’immense talent de cet auteur, remarqué par son premier livre Rapport sur moi qui, déjà, m’avait subjugué. Le livre était court et intense. Il me permettait de découvrir Grégoire Bouillier. Je le retrouve avec ce livre de 873 pages, qui restera longtemps dans ma mémoire. Dix ans de silence depuis son dernier livre, dix ans d’attente aussi pour moi et le revoilà avec ce pavé autobiographique fascinant. Grégoire Bouillier est unique, il écrit comme personne et nous offre un exercice de style incroyable et déroutant. Le Dossier M va faire du bruit, c’est déjà une évidence.

Grégoire Bouillier voulait, avec ce livre, sortir de l’ordinaire. Le pari est réussi, sans aucun doute. Le Dossier M est un livre comme il n’en existe nul autre ni dans la forme, ni dans le ton et encore moins dans l’ambition. Subjuguant, cruel, intriguant, drôle, éreintant, fascinant, imaginatif, les mots me manquent pour définir ce que peut représenter cet objet littéraire hallucinant qui pèse plus d’un kilo. La quatrième de couverture dit tout, en ne disant rien, c’est fabuleux et magique à la fois. Elle ne pouvait pas mieux résumer ce livre

"M comme une histoire d’amour. Mais quand on a dit ça, on n'a rien dit. Ou alors, il faut tout dire".

Et justement, dans ce livre, Grégoire Bouillier nous dit tout, d’où la longueur du livre, représentant le tome 1 avec un tome 2, tout aussi long, qui paraîtra en janvier 2018. Pour Grégoire Bouillier, ce n’est pas le sujet qui fait un livre, c’est le livre qui fait le sujet. C’est même le livre qui doit faire le sujet. Tout est dit, on comprend mieux le poids du livre.

Grégoire Bouillier devait parler du suicide de Julien, son ami qui se pend avec la ceinture de son pantalon à une fenêtre, il le fera, mais pas seulement. Bouleversé et culpabilisé, il tente alors de reconstituer les faits. Il remonte alors l’histoire, son histoire avec S qu’il peine à quitter, sa rencontre avec M, jeune stagiaire dans son boulot qui le subjugue dès les premiers regards et parle de ce suicide de Julien qui pèse sur le livre et revient régulièrement au fil des pages. Son aventure aussi avec la femme de Julien, après la rupture avec M…

Vous l’avez compris, Le Dossier M est une enquête qui revient sur les circonstances d’un suicide dont l’auteur se sent responsable. Le premier tiers du livre porte sur la difficulté rencontrée par Bouillier pour rompre avec S, artiste plasticienne renommée. Sa démarche semble simple, il faut lui faire comprendre que cette rupture lui sera bénéfique. Simple à imaginer, beaucoup plus compliqué à faire. Il raconte leur histoire, leurs soirées mondaines et la distance entre eux qui grandit. Il choisira de lui annoncer la séparation par mail. Il attend une réponse. On connaît la suite, l’artiste en fera une brillante œuvre artistique à partir d’une phrase extraite de ce mail, "prenez soin de vous" qui débouchera aussi sur une jolie chanson écrite et interprétée par Cali.

M, de son côté, qui porte le nom du dossier, tarde à arriver dans le livre. Grégoire Bouillier entretient longtemps le mystère autour de ce personnage, retardant son entrée en scène en distillant quelques menues informations, pour nous parler ensuite de son fiasco amoureux avec M. Tout est calculé par l’auteur. M apparaît furtivement dans le début du livre, un peu comme leur première rencontre puis prendra de plus en plus de place ensuite dans le livre. Ce sera l’objet du troisième tiers du livre, celui dans lequel on trouvera les plus belles pages du livre, prouvant à ceux qui n’en sont pas encore convaincus que Grégoire Bouillier est un énorme écrivain. Il suffira juste de lire la sublime lettre d’amour qu’il envoie à M de la page 691 à la page 698 pour en avoir la preuve. C’est juste sublime et bouleversant.

L’originalité du livre tient donc dans sa construction. Comme une enquête juridique, Le Dossier M est construit autour de ce que l’auteur appelle "des niveaux" qui sont numérotés dans chaque partie. Ces niveaux forment un gigantesque labyrinthe fait de nombreux questionnements sentimentaux et moraux dans lequel s’engouffrent les nombreuses digressions érudites de l’auteur.

Car oui, les digressions sont nombreuses dans ce livre, mais géniales surtout. L’auteur nous prévient page 47, il ne veut pas nous prendre en traitre. "Je suis trop long ? Je sais. J’aurais dû m’en tenir là et il est trop tard maintenant. Désolé. Mille excuses. Je digresse affreusement". Il trouve une parade alors, celle de nous renvoyer vers un site internet ouvert expressément pour son livre, ledossierm.fr.

Ce site internet, spécialement conçu pour le livre, représente une sorte de bureau des greffes dans lequel sont rassemblés quinze dossiers qui, parce que certains racontent une histoire trop longue (plus de 117 pages sur la série Dallas des années 80), d’autres parce qu’il s’agit de sons, de vidéos ou de photos ne pouvaient figurer dans le livre. Pour Grégoire Bouillier, ces dossiers devaient exister quelque part pour que le dossier soit complet. L’un de ces dossiers est interactif, on peut même y laisser des commentaires ! Quand je vous dis que cet auteur est génial ! Grégoire Bouillier déborde d’imagination, il envisage de façon inédite la littérature avec ces apports numériques. Pour nous guider, l’auteur nous indique au cours du livre quand nous pouvons aller consulter Le Dossier M sur internet. Fascinant, incroyable, original, on repart pour une séance de lecture de textes, d’images et de vidéos qui ont toutes leur place dans l’histoire du livre. Digression encore, quand tu nous tiens…

Et même quand Grégoire Bouillier disgresse, cela reste jubilatoire et érudit, comme cette analyse sociologique de la série Dallas des années 80, comme son analyse des films de Michael Mann, comme son rapport avec Zorro qui est l’objet de nombreuses pages, son goût pour le groupe Nirvana qu’il associe au divorce de ses parents, comme ce mot qu’il utilise que je ne connaissais pas (lui non plus d’ailleurs), le mot catachrèse (je vous laisse le soin d’aller le découvrir), comme son explication du salut nazi ou bien encore son aveu de mensonge page 420 où il nous dit avoir menti page 360. On se régale à lire ces nombreuses digressions, on se demande où cela va nous mener mais pour autant, on se surprend à tourner les nombreuses pages du livre avec frénésie. On apprend de nombreuses choses sur l’auteur avec ce livre. Bouillier aime la littérature, le cinéma et les séries et ça se voit tant son texte transpire de ses connaissances sur de nombreux sujets, particulièrement concernant certains livres appréciés de l’auteur que je vous laisse découvrir et dont l’analyse est brillante.

Pour finir, je sais, je commence aussi à digresser, Grégoire Bouillier est un grand malade, dans le bon sens du terme. Il prend le partie de tout nous dire dans son livre (encore que, il reste encore un tome 2 aussi volumineux qu’il me tarde d’avoir entre les mains) pour être certain de ne passer à côté de rien. Il ose tout (et la formule connue d’Audiard ne fonctionne pas ici) dans ce livre ; nous interpeller directement très souvent, nous renvoyer à des pages précédentes ou des pages suivantes, nous demander de nous souvenir de quelques passages en nous précisant qu’ils prendront du poids à la lecture de pages précisées dans le tome 2. Il retranscrit aussi des passages de ses carnets qu’il raye ensuite car ils n’apportent rien au récit selon lui (un comble). Il nous ballade beaucoup, nous perd parfois et nous promet les clés de ce Dossier M pour la page 514 du livre 2 !

Alors que dire d’autre, de ce projet hors norme si ce n’est qu’il représente une expérience littéraire sidérante, de la première à la dernière page qu’il faut absolument lire, que ce livre est sûrement l’objet le plus démesuré (le plus lourd aussi) et le plus enthousiasmant de cette rentrée littéraire alors qu’il traite au départ d’un suicide et d’une histoire d’amour avortée.

On attend maintenant le tome 2 avec impatience pour prolonger l’énorme plaisir qu’on a pu prendre à lire ces fabuleuses 870 du Dossier M, pour conclure enfin ce Dossier M plein de promesses. Avec la suite du Dossier M, la rentrée littéraire de janvier 2018 s’annonce déjà passionnante.

 

A lire sur Froggy's Delight :
La chronique de "Le coeur ne cède pas" de Grégoire Bouillier
La chronique de "Le Dossier M, Livre 2" du même auteur
La chronique de "Charlot déprime suivi Un rêve de Charlot" du même auteur

En savoir plus :
Le site officiel Le Dossier M
Le Facebook de Grégoire Bouillier


Jean-Louis Zuccolini         
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# 24 mars 2024 : Enfin le printemps !

Le printemps, les giboulées de mars, les balades au soleil ... la vie presque parfaite s'il n'y avait pas tant de méchants qui font la guerre. Pour se détendre, cultivons nous !. Ajoutons à cela nos chaines Youtube et Twitch et la semaine sera bien remplie.

Du côté de la musique:

"Dans ta direction" de Camille Benatre
"Elevator angels" de CocoRosie
"Belluaires" de Ecr.Linf
"Queenside Castle" de Iamverydumb
"Five to the floor" de Jean Marc Millière / Sonic Winter
"Invincible shield" de Judas Priest
"All is dust" de Karkara
"Jeu" de Louise Jallu
"Berg, Brahms, Schumann, Poulenc" de Michel Portal & Michel Dalberto
quelques clips avec Bad Juice, Watertank, Intrusive Thoughts, The Darts, Mélys

et toujours :
"Almost dead" de Chester Remington
"Nairi" de Claude Tchamitchian Trio
"Dragging bodies to the fall" de Junon
"Atmosphérique" de Les Diggers
quelques clips avec Nicolas Jules, Ravage Club, Nouriture, Les Tambours du Bronx, Heeka
"Motan" de Tangomotan
"Sekoya" de Tara
"Rita Graham partie 3, Notoriété", 24eme épisode de notre podcast Le Morceau Caché

Au théâtre

les nouveautés :

"Gosse de riche" au Théâtre Athénée Louis Jouvet
"L'abolition des privilèges" au Théâtre 13
"Lisbeth's" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses
"Music hall Colette" au Théâtre Tristan Bernard
"Pauline & Carton" au Théâtre La Scala
"Rebota rebota y en tu cara explota" au Théâtre de la Bastille

"Une vie" au Théâtre Le Guichet Montparnasse
"Le papier peint jaune" au Théâtre de La Reine Blanche

et toujours :
"Lichen" au Théâtre de Belleville
"Cavalières" au Théâtre de la Colline
"Painkiller" au Théâtre de la Colline
"Les bonnes" au théâtre 14

Du cinéma avec :

"L'innondation" de Igor Miniaev
"Laissez-moi" de Maxime Rappaz
"Le jeu de la Reine" de Karim Ainouz

"El Bola" de Achero Manas qui ressort en salle

"Blue giant" de Yuzuru Tachikawa
"Alice (1988)" de Jan Svankmajer
et toujours :
 "Universal Theory" de Timm Kroger
"Elaha" de Milena Aboyan

Lecture avec :

"Au nord de la frontière" de R.J. Ellory
"Anna 0" de Matthew Blake
"La sainte paix" de André Marois
"Récifs" de Romesh Gunesekera

et toujours :
"L'été d'avant" de Lisa Gardner
"Mirror bay" de Catriona Ward
"Le masque de Dimitrios" de Eric Ambler
"La vie précieuse" de Yrsa Daley-Ward
"Le bureau des prémonitions" de Sam Knight
"Histoire politique de l'antisémitsme en France" Sous la direction d'Alexandre Bande, Pierre-Jerome Biscarat et Rudy Reichstadt
"Disparue à cette adresse" de Linwood Barclay
"Metropolis" de Ben Wilson

Et toute la semaine des émissions en direct et en replay sur notre chaine TWITCH

Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
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