Appeler son disque La caverne n’est pas anodin, et cela fait forcément référence à l’allégorie de Platon. Cette progression vers l'état éclairé ou vers la vérité comme un voyage de l'obscurité vers la lumière. Après avoir été délivré de ses liens, celui qui remonte difficilement de la Caverne pour la surface doit fournir un effort qui n'est pas sans douleur. Ce voyage prend la forme d'une conversion de l'individu dans tout son être, une transformation qu'il éprouve dans son corps et qui le change en profondeur. C’est également ne pas prendre forcément pour vrai ce que voudraient montrer nos sens et les préjugés formés par l'habitude. C’est un peu le message du disque.
Cette musique n’est pas à prendre totalement comme elle est, qu’il faut fouiller derrière les apparences. Les morceaux se construisent sur une base assez peu écrite harmoniquement ou mélodiquement, l’essentiel se trouve ailleurs : dans le geste, dans l’élan créateur, dans l’idée directrice. Tout est alors dans l’interprétation où l’écoute et l’interaction entre les musiciens sont plus que jamais primordiaux, et l’ensemble (Julien Soro au saxophone alto, Ariel Tessier à la batterie, Quentin Ghomari à la trompette) emmené par Alexandre Perrot à la contrebasse s’en sort plutôt pas mal du tout. Cela virevolte, cela réfléchit, cela joue avec les atmosphères, les langages (hard-bop, free, musiques contemporaines, improvisation) sans jamais oublier d’être mélodique, cela nous emmène sur des chemins de traverse, cela aime les surprises. C’est parfois assez troublant.
L’ensemble travaille sur les timbres, les rythmes (Ariel Tessier et Alexandre Perrot font une paire rythmique admirable), les harmonies, joue avec les dynamiques, les nuances entre et dans les morceaux ("La Caverne", "Skieur au fond d’un puits", "Le regard") jusqu’à des titres plus "recueillis" voire "méditatifs" ou "figuratifs" (la série "Ode Maritime"). Il ne nous reste alors plus que le choix de respirer et se laisser porter par cette musique comme une lame de fond… |