Monologue dramatique écrit et interprété par Giorga Cerruti.
De New York à la Riviera, l'écrivain Scott Figtzerald auteur du fameux "Gatsby le Magnifique" et son épouse Zelda formèrent un couple emblématique des Années Folles que leur épitaphe commune, la dernière phrase de ce roman - "C’est ainsi que nous avançons, barques luttant contre un courant qui nous rejette sans cesse vers le passé" - lie de manière indéfectible au regard du monde.
Après la décennie "Amour, gloire et beauté", tout est irrémédiablement consumé, la notoriété, la richesse, la rupture conjugale. Suit le naufrage dans l'alcool pour lui qui vivote de l'écriture de scénarios pour Hollywood, dans la folie pour elle, souffrant de troubles bipolaires alors assimilés à la schizophrénie, avec, outre les neuroleptiques, les traitements de choc de l'époque.
Car derrière l'image d'Epinal pour tabloïds, l'envers du décor c'est le pandémonium conjugal qui ravageait ce couple en miroir fondé sur des identifications imaginaires et rattrapé par le principe de réalité. Tous deux en quête d’affirmation et de reconnaissance rêvaient d'une vie de roman, une vie sans entrave comme une fête perpétuelle dans le luxe, la désinvolture et le mépris des conventions, et d'un amour de conte de fées.
Lui, en quête d'ascension sociale, dans la posture de l'écrivain célèbre nanti d'une flatteuse et enviée épouse-muse émancipée, elle, qui voulait échapper de la vie provinciale, en séductrice universelle et reine du bal admirée de tous qui renvoie l'image d'une "flapper" dont elle arbore les codes non par conviction idéologique, son attitude anticonformiste traduisant davantage un mal-être profond.
La partition de "Zelda - Vie et Mort de Zelda Fitzgerald" conçue par Giorga Cerruti avec la collaboration de Davide Giglio à la dramaturgie s'avère remarquable et passionnante car, d'une part, elle ne s'inscrit pas dans le registre traditionnellement linéaire et factuel du biopic mais ressort à l'évocation impressionniste.
Et ce, au gré des affleurements mnésiques et d'éclairs de lucidité qui émaillent, sans respect de la chronologie ou de l'objectivité, le flux de pensée erratique de Zelda ravagée par la maladie mentale.
En second lieu, elle a été subtilement élaborée non à partir des biographies existantes mais du matériau de première main que constitue le corpus épistolaire des Fitzgerald et comporte tous les éléments d'un puzzle tragique architecturé dès l'enfance par les figures parentales, notamment celle du père rigoriste, le Juge.
Sur la scène envahie d'une lourde fragrance de roses, celui de la roseraie de la mère, une femme catatonique repose dans un lit, yeux fermés et mains jointes sur la poitrine dans l'attitude du gisant, jusqu'à l'éveil dans une bouffée de délire mystique. La parole surgit.
Sous la direction d'acteur de Davide Giglio, Giorgia Cerruti, comédienne inspirée et talentueuse, livre une prestation incarnée aussi admirable que fascinante et bouleversante tant pour représenter la folie de manière plausible qu'incarner une femme à l'âme égarée dont elle transcende le personnage.
Une très belle et réussie proposition, dispensée en français de surcroît, à inscrire à l'actif de la Piccola Compagnia della Magnolia sise à Turin. |