Série d’articles sur les albums No One Ever Really Dies de N.E.R.D. et Damn. de Kendrick Lamar. Episode 2.
Ce qui passe / ce qui ne passe pas.
Faire un disque avec des manches de vestes relevées et des solos de saxophone (de "saxo", en fait, dans ce contexte) noyés dans la reverb, sous prétexte qu'on s'appelle Management : ça ne passe pas.
Un album de 34 chansons dont 8 pour adultes et le reste qui sonne comme un recueil de comptines, même quand on s'appelle Justin Timberlake et qu'on vient de découvrir la paternité, ça passe difficilement.
En revanche, avoir composé il y a quelques années le gros tube décent "Blurred lines", permettant sans doute de générer assez d'argent pour enregistrer tranquille tout un album pour son groupe de semi-stars (218 000 abonnés à la chaîne YouTube de N.E.R.D, contre 200 millions de vues pour la seule "Happy"), ça passe, crème.
Au pays des choix parfois tendus entre ce qui est inacceptable et ce qui reste digne, Pharrell est roi. Et il partage son trône avec Kendrick Lamar. (Pour Kanye West, c'est plus compliqué : son territoire à lui est ubiquitaire, à la fois ridicule et magnifique, et son dernier morceau n'est qu'une illustration supplémentaire : "Lift Yourself").
Sur scène, Kendrick est seul. Lui aussi, a fait un choix. Esthétiquement, c'est incroyable : le voir débarquer dans sa grande veste blanche en coton au son de "DNA", quasi-christique, c'est une déclaration courageuse sur ce qu'est le hip-hop selon lui, sur le territoire où il a décidé de l'emmener.
Ça m'a beaucoup fait rire, de lire après coup ces deux articles chafouins qui voyaient dans sa solitude un egotrip : sur le site Konbini.fr et sur le site Le Monde.
Que font-ils de la danseuse, qui apparaît sur un bon quart du set et fait même tout un solo au milieu de la performance ? Quant aux musiciens, qui jouent bel et bien en live mais sont cachés hors de la scène, leur ont-ils demandé s'ils n'adhéraient pas à 100 % au choix artistique de Lamar ?
Le degré zéro du journalisme, qui consiste à prêter des intentions et analyser à la va-vite en fonction de ce qu'on avait conclu à l'avance, a trouvé une proie facile en Kendrick. Ce qu'il propose sur scène est en fait l'anti-image d'Épinal du groupe de rap qui débarque à quinze sur scène et en fait des caisses pour que le public "fasse du bruit". Lamar, lui, déclenche l'hystérie en levant le sourcil. Avant de se lancer corps et surtout âme dans "Humble", il reste assis 3 bonnes minutes au milieu de la scène. Au cœur de son set. Et son silence en dit plus long que quinze types qui hurlent.
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