"Il y a
il y a la colonne de la nature
il y a
il y a un homme de silence
Le ciel s’éteint, la terre coule, mais il reste toujours un cannibale un homme brille dans le passé
un homme se croit une civilisation
un homme avale des oriflammes
un homme veut lui aussi faire des étincelles"
"
Il y a", Henri Michaux.
"Fais de moi, si je rentre un jour, une ombrelle pour tes paupières. Recouvre mes os de cette herbe baptisée sous tes talons innocents. Attache-moi avec une mèche de tes cheveux un fil qui pend à l’ourlet de ta robe. Et je serai, peut-être un dieu, peut-être un dieu, si j’effleurais ton cœur !"
"A ma mère", Mahmoud Darwich
Cela faisait longtemps que nous l’attendions, ce disque. Cela fait quelques années que nous avons succombé aux charmes de la jeune musicienne et que nous suivons son parcours musical. Depuis 2014, ses mix sur Soundcloud, son EP Two Of Us sorti chez Kill The DJ. Mais ce premier disque se faisait attendre. Qu’importe les raisons de ce laps de temps pour sortir ce Crave, l’important c’est qu’il soit à la hauteur de notre attente et de nos espérances.
Et c’est le cas. On retrouve cette musique très contrastée, avec beaucoup de dynamiques, de densité. Beaucoup de noir, beaucoup de blanc, pour une musique très prenante, envoûtante. Une alternance de passages puissants et calmes, de moments introspectifs bousculés par des éclairs. Une fausse alternance car la simple façon de passer de manière manichéenne de l’un à l’autre n’a absolument aucun intérêt dans la dramaturgie musicale.
Et puis il y a ces mélodies noires, âpres, pour une musique sans concession mais avec quelque chose de très intimiste. Léonie Pernet est dans la musique, dans le travail des sonorités (le travail du timbre de sa voix par exemple), du grain mélodique. Elle nous capture. Crave contient un élan romanesque (poétique et politique pour cette fervente activiste de la cause palestinienne, des réfugiés ou LGBT) qui fait résonner (raisonner ?) chaque note, leur donne du corps et du sens.
Et si ce disque fonctionne aussi bien, au-delà de ces qualités d’écriture (on sent son amour pour les musiques "classiques"), c’est grâce à la personnalité forte, cette jeunesse pleine de charisme de Léonie Pernet et grâce à l’intensité qu’elle arrive à insuffler tout le long de ce disque. Et puis on devient accroc à ce disque totalement immersif, puissant et renversant.