A ceux qui attendaient le grand livre sur l’Algérie des années 90, celles qui vit ce pays se déchirer par une guerre que se livrèrent l’armée et les islamistes, il me semble que la rentrée littéraire des éditions Rivages nous le propose avec 1994, polar écrit par Adlène Meddi. Adlène Meddi est journaliste et romancier. Né au milieu des années 70 à El Harrach, dans la banlieue d’Alger, il travaille pour le journal El Watan tout en étant aussi reporter pour Le Point et en collaborant aussi à Middle East Eye. 1994, sorti il y a un an en Algérie, est son troisième roman.
1994 est donc un polar, un livre noir sur un pays, l’Algérie, qui a connu une décennie extrêmement meurtrière. Adlène Meddi a fait le choix de s’appuyer sur l’année 1994, celle d’un profond chaos, intervenue après l’annulation des législatives survenues deux ans auparavant. Au cœur du chaos se trouvait le FIS, le Front islamique du salut qui mit le pays à feu et à sang mais aussi la fameuse sécurité militaire, redoutable et redoutée qui s’opposait à eux.
C’est au travers de quatre personnages qu’Adlène Meddi va nous dresser le visage de cette Algérie des années 90. Quatre lycéens, issus de la banlieue d’Alger qui décident en 1994 de former une organisation clandestine et qui se retrouvent poussés à commettre un assassinat, échappant au passage de justesse aux services spéciaux de la sécurité militaire.
On retrouve deux de ces quatre lycéens dix ans plus tard, Amine et Sidali. Amin est interné dans un hôpital psychiatrique, sujet à de violentes crises et en proie à la dépression. Sidali est exilé à Marseille, son passé Algérien le hante toujours et il est décidé à retourner dans son pays. De retour d’exil, il va se retrouver arrêté. Leur cas intéresse toujours un mystérieux général qui va les traquer, recomposant ainsi l’histoire de cette décennie tourmentée.
Le livre débute par l’enterrement du père d’Amin, un ancien général qui fut sa principale protection dix ans auparavant lorsqu’il commit un acte aux lourdes conséquences.
Adlène Meddi nous embarque alors dans un récit qui croise trois périodes, 2004, 1994 et 1962, année importante de l’indépendance algérienne. Cela lui permet de nous expliquer comment les atermoiements et les règlements de compte de la guerre d’indépendance ont pu avoir un écho dans la guerre civile des années 90. Son écriture noire est parfaite pour décrire l’univers tragique et violent de l’Algérie des années 90. On retrouve aussi dans le roman les qualités journalistiques de l’auteur qui témoignent de très bonnes connaissances de son pays, de son histoire et de sa société.
Adlène Meddi nous offre aussi de très belles pages sur El-Harrach, dans un roman où la nostalgie est aussi très présente, mêlant mélancolie et rage, croisant passé et présent. Reste néanmoins que l’Algérie qu’il nous dépeint est encore très noire, ne laissant pas augurer de grandes évolutions.
Alors voilà, 1994 est un grand livre, celui comme nous le précise Kamel Daoud, de l’un des journalistes et auteurs algériens les plus observateurs de sa génération. |