Après "Etre pierre", le Musée Zadkine poursuit son "exploration des matérialités créatrices" avec l'exposition "Ossip Zadkine - L'instinct de la matière" centrée sur le processus créatif du maître des lieux.
Les commissaires Noëlle Chabert, conservateur général du patrimoine, directrice du Musée Zadkine, et Jessica Castex, commissaire d’exposition au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, ont choisi un florilège de plus de cent pièces pour illustrer et démontrer son lien organique et son rapport instinctif à la matière qui le conduit à créer "la forme dans la forme". Pour soutenir leur parcours en trois temps, aussi passionnant que didactique, elles indiquent avoir retenu comme lignes de force la vocation formelle de la matière et, presque paradoxalement, ses capacités métamorphiques par la sublimation du matériau brut par voie d'assemblage.
De plus, il permet d'aborder l'évolution plastique du primitivisme nourris d'archaïsmes à la sculpture moderne, qui pour Zadkine s'inscrit dans une approche spirituelle du monde qui appelle à l'harmonie de l'homme et de la nature, avec l'étape de la tentation cubiste.
Ossep Zadkine : "Du dialogue avec la matière naît le geste de l'homme"
La pratique de Zadkine ne s'inscrit pas dans une confrontation avec la matière mais, ressortant à la mancie, par son apprivoisement pour la guider, qu'il s'agisse de la sensualité du bois ou du monolithisme de la pierre, dans l'expression de son registre de prédilection du lyrisme plastique.
Tout commence avec la "matière-source".
Les figures émergent de la pierre ("Léda", "Maternité", "Femme au violon").
Et se transmutent en torses-totems, qui ne sont pas sans évoquer la statuaire des Cyclades, les troncs ligneux ("Le Prophète", "Torse d'éphèbe", "Torse d'hermaphrodite") et les blocs de pierres ("La Porteuse d'eau", "Démeter ou Pomone","Torse violoncelle").
Ils voisinent avec "La Belle servante" représentative de l’influence de l’esthétique cubiste qui se retrouve dans des oeuvres telles que "Formes féminines" et "Formes et lumières" mais la première en grès noir recouvert de patine noir et la seconde en bronze poli en compagnie de la "Tête de femme" aux incrustations de marbre et rehauts de couleurs annoncent la période Art déco.
Les commissaires mettent en évidence le lien entretenu avec les arts décoratifs et le recours à l'ornement et à la couleur, notamment avec la pratique du bois doré, qui enrichissent ses oeuvres
tel le "Fauve" reproduit sur l'affiche.
Prêtant attention, le visiteur pourra déceler les influences artistiques multiples de Zadkine depuis celles de son enfance russe avec l'imagerie des estampes populaires colorées gravées sur bois et les personnages de contes tel celui de "L'Oiseau de feu" et les rehauts dorés de l'art byzantin développé dans les icônes.
Enfin, l'exposition permet de découvrir et d'apprécier le rapport au dessin du sculpteur avec la judicieuse mise en résonance de la statuaire avec son oeuvre graphique, dessins à la plume, gouaches et aquarelles dont ceux présentés dans l'atelier aux côtés de la sublime et délicate "Jeune fille à l'oiseau" au visage concave et l'imposante '"Odalisque ou Bayadère".
De la matière brute de la "Tête héroïque" de 1909 aux "Sculptures pour l’architecture" de 1967 en passant par l’assemblage composite du "Sculpteur", l'exposition surprend et ravit. |