Musique sep Théâtre sep Expos sep Cinéma sep Lecture sep Bien Vivre
  Galerie Photos sep Nos Podcasts sep Twitch
 
recherche
recherche
Activer la recherche avancée
Accueil
 
puce puce
puce La vie d'une femme
Yasuzo Masumura  1962

Réalisé par Yasuzo Masumura. Japon. Drame. 1h345 (Sortie 1962. Avec Machiko Kyo, Masaya Takahashi et Jiro Tamiya.

Le cinéma japonais a su faire la part belle aux personnages de femmes. Douces et déterminées, chez Ozu, amoureuses et courageuses chez Naruse, victimes d'une société inégalitaire dont la violence s'exerce sur les plus faibles, les prostituées et les filles perdues chez Mizoguchi.

Le chemin de la soumission est insoutenable, celui de la révolte est impossible. Okei, l'héroïne de "La vie d'une femme" de Yasuzo Masumura n'a pas le choix. Dans une société dure aux affaires, et encore plus aux femmes, elle doit apprendre à se défendre, à anticiper, à fermer à jamais ce cœur incompatible avec ses responsabilités.

On entend les cris et les coups avant de les voir. Le visage de la tante, filmé en contre-plongé, est un masque effrayant. La badine s'abat sans fin sur le corps recroquevillé d'Okei (Machiko Kyô). Son oncle descend un nouveau verre de saké, tournant le dos à la pénible scène de ménage.

Un début mélodramatique que ne renierait pas un Griffith ou un Borzage. Après une ultime dispute avec sa cousine, Okei est jetée dehors par sa tante. Le panneau se ferme brutalement, ses chaussures sont le seul bagage qu'on lui laisse.

La déambulation nocturne d'Okei est escortée par les lumières portées par une procession. C'est un flux continu de lanternes blanches qui illuminent le visage soucieux de l'héroïne. Les porteurs restent dans l'obscurité, marée noire insensible au malheur d'une femme qui semble alors seule au monde. Peu à peu, la foule s'éloigne.

Blanche-Neige ou Cendrillon, Okei finit par découvrir une petite porte qui mène à une propriété cossue. Elle ne le sait pas encore, mais là l'attend son prince, celui qui la sauvera. Ce château des temps modernes est la maison Tsutsumi, fondée par un père manifestement doué pour les affaires, et menée d'une main de maître par sa veuve, une matriarche qui règne sur la maisonnée et ses quatre enfants. Okei attendrit le cœur d'Eiji (Jirô Tamiya), qui la découvre dans le jardin, et est finalement adoptée par cette grande famille.

Mais le conte s'arrête brusquement. Okei est si débrouillarde, si indispensable dans la maison que sa nouvelle mère lui propose le mariage. Mais pas avec Eiji, avec Shintaro (Masaya Takahashi), le fils aîné un peu bon à rien. Par gratitude, Okei accepte, renonçant ainsi à son amour pour Eiji. Cette première séparation est marquée, symboliquement, par la rupture d'une peigne, cadeau de son amoureux. Deux moitiés qui gisent dans une allée, un cœur brisé que Shintaro retrouve avec tristesse.

"L'histoire d'une femme" est donc l'histoire d'un sacrifice. La maison Tsutsumi, d'abord décrite comme un phare dans la nuit, une habitation heureuse et pleine de vie, devient progressivement un espace de confinement.

Yasuzo Masumura sait à merveille jouer de l'espace de la maison japonaise pour construire une série de prisons pour son héroïne. Déjà, alors qu'elle quitte sa tante, son visage apparaît derrière des barreaux : la liberté promise par le rejet n'est qu'un leurre, et la prison suivra la jeune fille. Puis ce sont les panneaux coulissants qui isolent le personnage féminin, coupée du reste du décor, enfermée dans des espaces de plus en plus réduits, jusqu'à n'avoir de refuge qu'une sorte de cave, l'espace clos par excellence.

Car la maison Tsutsumi n'est pas qu'une habitation. C'est aussi une firme d'exports-imports, un négoce florissant que les soins acharnés d'Okei font prospérer. Femme d'affaires dans un monde d'hommes, elle n'a plus le temps pour les sensibleries. Elle n'a plus non plus le temps pour sa propre fille, qui ne la retrouve que pour lui dire combien elle la déteste, elle et ses absences, elle et ses duretés.

Pourtant, Okei sait que sa fille, un jour, comprendra son sacrifice. En attendant, tandis que la firme grandit et grossit, la maison se vide. L'un après les autres, les habitants quittent cette maison étouffante. Ses sœurs, son mari, sa fille reprochent à Okei ce qu'elle fait pour eux, pour leur survie.

Cette histoire de croissance et d'effondrement épouse l'histoire du Japon. L'histoire d'Okei est en effet celle d'un pays qui peu à peu se développe, s'implante en Chine, colonise, guerroie avant de s'effondrer dans le désastre de la Seconde Guerre mondiale, une catastrophe qui met le pays à genoux, et détruit une vie d'efforts pour Okei. "La vie d'une femme" de Yasuzo Masumura avance par grands sauts dans le temps. Tous les dix ans, nous retrouvons cette famille, un peu plus riche, un peu plus désunie. Le film bouleverse lors des tentatives que font les personnages pour se rejoindre, pour arriver à se pardonner, sans toutefois parvenir à mettre le passé derrière eux.

On pense beaucoup, au début du film, à la "Femme-insecte" de Shôhei Imamura, film contemporain de "La Vie d'une femme". Mais là où Imamura considère avec cynisme, et parfois une cruauté entomologiste la vie de cette paysanne devenue une maquerelle sans cœur et une mauvaise mère, Yasuzo Masumura décrit avec compassion une vie sans issue.

Il montre un personnage qui donne ce qu'il peut, une femme qui veut nourrir sa famille, et qui finit, comme une Belle au Bois dormant vieillie, enfermée dans les ruines de son château, fidèle à une promesse qui n'a de sens, peut-être, plus que pour elle.

 

Anne Sivan         
deco
Nouveau Actualités Voir aussi Contact
deco
decodeco
• A lire aussi sur Froggy's Delight :

Pas d'autres articles sur le même sujet


# 24 mars 2024 : Enfin le printemps !

Le printemps, les giboulées de mars, les balades au soleil ... la vie presque parfaite s'il n'y avait pas tant de méchants qui font la guerre. Pour se détendre, cultivons nous !. Ajoutons à cela nos chaines Youtube et Twitch et la semaine sera bien remplie.

Du côté de la musique:

"Dans ta direction" de Camille Benatre
"Elevator angels" de CocoRosie
"Belluaires" de Ecr.Linf
"Queenside Castle" de Iamverydumb
"Five to the floor" de Jean Marc Millière / Sonic Winter
"Invincible shield" de Judas Priest
"All is dust" de Karkara
"Jeu" de Louise Jallu
"Berg, Brahms, Schumann, Poulenc" de Michel Portal & Michel Dalberto
quelques clips avec Bad Juice, Watertank, Intrusive Thoughts, The Darts, Mélys

et toujours :
"Almost dead" de Chester Remington
"Nairi" de Claude Tchamitchian Trio
"Dragging bodies to the fall" de Junon
"Atmosphérique" de Les Diggers
quelques clips avec Nicolas Jules, Ravage Club, Nouriture, Les Tambours du Bronx, Heeka
"Motan" de Tangomotan
"Sekoya" de Tara
"Rita Graham partie 3, Notoriété", 24eme épisode de notre podcast Le Morceau Caché

Au théâtre

les nouveautés :

"Gosse de riche" au Théâtre Athénée Louis Jouvet
"L'abolition des privilèges" au Théâtre 13
"Lisbeth's" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses
"Music hall Colette" au Théâtre Tristan Bernard
"Pauline & Carton" au Théâtre La Scala
"Rebota rebota y en tu cara explota" au Théâtre de la Bastille

"Une vie" au Théâtre Le Guichet Montparnasse
"Le papier peint jaune" au Théâtre de La Reine Blanche

et toujours :
"Lichen" au Théâtre de Belleville
"Cavalières" au Théâtre de la Colline
"Painkiller" au Théâtre de la Colline
"Les bonnes" au théâtre 14

Du cinéma avec :

"L'innondation" de Igor Miniaev
"Laissez-moi" de Maxime Rappaz
"Le jeu de la Reine" de Karim Ainouz

"El Bola" de Achero Manas qui ressort en salle

"Blue giant" de Yuzuru Tachikawa
"Alice (1988)" de Jan Svankmajer
et toujours :
 "Universal Theory" de Timm Kroger
"Elaha" de Milena Aboyan

Lecture avec :

"Au nord de la frontière" de R.J. Ellory
"Anna 0" de Matthew Blake
"La sainte paix" de André Marois
"Récifs" de Romesh Gunesekera

et toujours :
"L'été d'avant" de Lisa Gardner
"Mirror bay" de Catriona Ward
"Le masque de Dimitrios" de Eric Ambler
"La vie précieuse" de Yrsa Daley-Ward
"Le bureau des prémonitions" de Sam Knight
"Histoire politique de l'antisémitsme en France" Sous la direction d'Alexandre Bande, Pierre-Jerome Biscarat et Rudy Reichstadt
"Disparue à cette adresse" de Linwood Barclay
"Metropolis" de Ben Wilson

Et toute la semaine des émissions en direct et en replay sur notre chaine TWITCH

Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
twitch.com/froggysdelight | www.tasteofindie.com   bleu rouge vert métal
 
© froggy's delight 2008
Recherche Avancée Fermer la fenêtre
Rechercher
par mots clés :
Titres  Chroniques
  0 résultat(s) trouvé(s)

Album=Concert=Interview=Oldies but Goodies= Livre=Dossier=Spectacle=Film=