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Interview  (Paris)  mercredi 27 février 2019

Trois ans après Are You Serious, l’élégant Andrew Bird revient avec ce qu’il considère, à juste titre, comme son plus beau travail jusqu’ici, le bien nommé My Finest Work Yet, réalisé par Paul Butler en Californie à Los Angeles. Rencontre avec un artiste qui, malgré son jet-lag évident - réfléchissant entre 1h et 6h du matin à des conversations avec Malcolm Gladwell et Buster Keaton - avait très envie de parler de son dernier (et plus bel) album… jusqu’ici.

Le titre tout d’abord : My Finest Work Yet ("Mon plus beau travail jusqu’ici"), pourquoi ce titre ?

Andrew Bird : Quand je travaille sur un album, j’envoie des démos et dois nommer le projet. Souvent un titre amusant me vient, quelque chose que je trouve drôle par exemple. Les deux derniers albums, j’ai eu beau essayer de trouver autre chose ensuite, je suis passé par une centaine d’intitulés différents mais ils avaient tous l’air prétentieux... et le nom temporaire est devenu permanent.

Celui-ci n’a pas l’air prétentieux mais plutôt amusant comme titre, pensez-vous donc que chaque album est votre… meilleur album ?

Andrew Bird : En partie, habituellement, oui ! (rires). J’en suis à 14 albums et au bout d’un moment, cette recherche de titre devient un peu difficile et c’est un peu… idiot, essayer de trouver quelque chose de poétique, tout ça… J’ai donc songé que j’allais simplement dire ce que je pense sur le moment.

Vous l’avez enregistré en jouant tous ensemble de façon live, vous et les musiciens, au même endroit (à Los Angeles où vous vivez depuis environ 5 ans). C’est une méthode qui a été utilisée pour l’album Break It Yourself mais pas pour Are You Serious, votre précédent album.

Andrew Bird : Break It Yourself était un peu plus brouillon dans ce sens. Celui-ci a été fait de façon plus méticuleuse, disons… J’ai beaucoup étudié la production de Rudy Van Gelder (ndlr : ingénieur du son américain spécialisé dans le jazz), de ces albums de jazz du début des années 60, et la façon dont ils parvenaient à cette acoustique particulière. Plusieurs jours ont été nécessaires au début de la session d’enregistrement pour faire en sorte que le son de batterie "déborde" et se fonde parfaitement dans le micro de la basse, et je chantais à travers un amplificateur pour remplir la pièce, et tout ceci était équilibré avec les musiciens… tout ça pour essayer "d’activer" la pièce acoustiquement, si vous voyez ce que je veux dire. C’est ce qui fait que ces albums de jazz sonnent de façon si extraordinaire pour nous, car la performance est incroyable mais surtout l’acoustique, ce son extraordinaire ! L’ingénierie du son est incroyable. C’était donc mon but, quand on a commencé, de parvenir à ça. J’aime prendre des risques en enregistrant.

Vous avez donc trouvé ça difficile d’y arriver ?

Andrew Bird : Dans l’ensemble, non, parce que tout a été préparé méticuleusement. La plupart des gens, comment dire... Depuis ces trente ou quarante dernières années, il s’agit d’isoler chaque son, pour pouvoir le contrôler plus tard. Or je déteste le mixage et le post process. Je ne supporte pas les casques, tout ce qui m’éloigne du processus naturel de faire de la musique. Les sessions d’enregistrement ont tendance à me faire ça. Certaines personnes ne jurent que par le fait de tout contrôler, pas moi. Je préfère essayer de tout régler au niveau de l’équilibre du son et des balances avant de commencer, et capter le bon son au bon moment. La façon dont cet album a été enregistré est ma préférée jusqu’à présent.

Sur cet album, il y a trois musiciens ? Combien de temps l’enregistrement a-t-il pris ?

Andrew Bird : Oui, trois autres musiciens, un pianiste, un bassiste, et un batteur. Cela nous a pris environ deux semaines, douze jours ? Et la plupart des meilleurs mix ont été très, très rapides. "Bloodless" par exemple est un mixage brut, ça a pris 20 minutes, on ne pouvait pas faire mieux, c’était le meilleur mix qu’on pouvait avoir.

Vous avez dit par le passé que chaque album semble être un antidote au précédent, est-ce toujours le cas ?

Andrew Bird : Oui, car l’album Are You Serious était vraiment très produit par rapport aux autres. J’ai passé huit mois à travailler dessus après l’enregistrement et… j’avais envie de me tirer une balle dans la tête à la fin ! (rires) Ce n’est pas le cas pour celui-ci.

Au sujet de Are You Serious, votre précédent album donc, à l’époque vous disiez qu’il était très personnel, partagiez beaucoup de choses personnelles en interview à l’époque, mais vous demandiez si c’était la bonne chose à faire. Des années plus tard, qu’en pensez-vous justement ?

Andrew Bird : Rétrospectivement… j’ai plutôt des mauvais souvenirs de ce qui s’est passé quand cet album est sorti. Pas par rapport au fait d’écrire des chansons aussi personnelles que celles-ci, mais la façon dont la promotion a été faite à l’époque. Je n’avais jamais écrit de telles chansons avant, je ne savais pas comment gérer tout ça et j’ai, disons, beaucoup appris. Si j’écris de nouveau de cette façon, je ne ferai pas d’interviews à ce propos… J’avais le mauvais attaché de presse, j’en ai changé. (sourire)

L’album précédent était plus personnel, mais sur celui-ci votre façon d’écrire semble également plus directe, les paroles sont, disons, moins cryptiques qu’avant.

Andrew Bird : Dire beaucoup de choses en aussi peu de mots que possible, c’est le but. J’apprécie que certains compositeurs soient ambigus, et laissent de la place à l’imagination, mais j’apprécie aussi des gens comme Townes Van Zandt ou John Pryne qui peuvent tout détruire en quelques mots. John Pryne peut ainsi être à la fois très poétique et terre à terre.

C’est en effet ce que j’ai ressenti à l’écoute de certaines de vos chansons, ce qui n’était pas forcément le cas auparavant. Tout a l’air, oui, plus allant à l’essentiel.

Andrew Bird : Oui, j’ai ressenti une sorte d’urgence. Je suis généralement assez impatient quand j’ai toutes ces nouvelles chansons, mais là c’était vraiment intense, comme si je ne pouvais pas attendre une semaine de plus pour enregistrer, il fallait que je le fasse vraiment de suite. Le titre "Bloodless" a été composé entre les élections de 2016 et les événements de Charlottesville, avec tout ce qui se passait à ce moment là… La plupart des chansons, à l’exception de "Bellevue Bridge Club", ont été composées ces deux dernières années. Je ne sais pas, peut-être que je deviens meilleur à l’écriture des paroles, si c’est seulement possible ? Ou que ma façon de faire est juste différente désormais, je ne sais pas. Vous voyez ce que je veux dire, être vivant dans ce monde, à l’instant présent… ça ne me semble pas être le moment pour du nombrilisme existentiel.

Il semble en effet que vous vous posez moins de questions existentielles et que vous parlez davantage des problèmes et difficultés d’être humain.

Andrew Bird : Je pense aussi. En fait, il s’agissait d’écrire à ce sujet d’une façon qui reste en dehors de l’information continue à laquelle tout le monde participe et qui se produit tous les jours. Cela ne sert à rien si on n’offre pas quelque chose de différent, et cela m’a pris du temps pour trouver comment faire. "Bloodless" par exemple est plutôt explicite. L’idée, c’est de faire faire à la musique ce que je fais d’habitude, c’est-à-dire d’être aussi attractive que possible, et satisfaisante pour moi, intéressante avec certains sons, mais pendant que j’y suis, de parler de quelque chose, d’une substance.

Il y avait cette panique après les élections présidentielles, et beaucoup de mes amis venaient me voir, hystériques, en me disant wow, il faut tque u dises quelque chose, mais ce n’est pas pour ça que nous faisons de l’art, non… quoique puisse en dire Patti Smith (rires). Il faut que ça vienne d’une certaine façon, d’une certaine perspective. Lorsque j’ai réussi à trouver le bon "langage" pour cela, ça a été très rapide.

La chanson "Bloodless" va à l’essentiel, comme le reste de l’album ou presque, comme pour "Fallorun", qui m’a parue presque déprimante dans ses paroles.

Andrew Bird : Elle n’est pas censée l’être, elle est censée offrir, comme toutes les autres, une perspective d’espoir de sortir de tout ceci, et cette chanson suggère que Trump serait juste une création imaginaire venant de nous-mêmes. L’idée, c’est que si vous en êtes conscient, vous pouvez changer les choses. Ce n’est pas sans espoir, c’est ce que j’essaie de dire.

C’est déprimant mais l’idée générale, c’est de prendre du recul et de voir ce qu’on peut faire ?

Andrew Bird : Voilà.

Les pistes "Sysiphus" et "Archipelago" parlent tous les deux d’addiction ?

Andrew Bird : Plus Sysiphus qu’Archipelago, mais oui… Il y a beaucoup de thèmes dans cet album. Quand j’essayais de nommer cet album je visualisais sans cesse deux élans avec leur bois, verrouillés ensemble, qui ne parviennent pas à se détacher. C’est l’image que j’essayais d’avoir, et un nom qui impliquait une lutte où les deux adversaires sont très intimes et ont besoin l’un de l’autre. Vous ne pouvez pas partir, et la pire chose que vous pourriez faire à l’ennemi dans cette situation, c’est de partir. Ne pas lui prêter attention, voilà le pire.

Mais vous devez partir, et on pense au syndrome de Stockholm et en effet, vous en parlez dans "Bellevue Bridge Club".

Andrew Bird : Il faut savoir que "Bloodless" est la matrice stylistique de l’album mais aurait pu, au niveau des paroles, se tenir à part par rapport aux autres pistes de l’album car elle va plus loin que ce que j’ai l’habitude de faire. Dans les autres chansons… elle sert en quelque sorte de clé. Mais "Bellevue Bridge Club"…

Prenons "Cracking Codes", que j’ai composée très rapidement en 20 minutes - d’ailleurs c’est assez drôle car quand vous écrivez une chanson aussi vite, elle se tient très bien toute seule (rires), et on ne peut pas changer grand chose - eh bien en comparaison, je me suis demandé ce que j’essayais de dire ou d’écrire à propos de "Bellevue Bridge Club" pendant bien cinq ou six ans. Et finalement, j’ai écrit ces paroles, ce pont avec le syndrome de Stockholm et le tout a formé une sorte d’ensemble cohérent.

Mais de quoi parle-t-elle au juste ? Et "Olympians", qui m’a assez intriguée ?

Andrew Bird : Simplement de gens qui ont été tellement blessés pendant des années d’avoir été en guerre, que ce soit au niveau personnel ou autre, qu’ils finissent dans un hôpital psychiatrique à jouer au bridge. Ils sont contents, ils ont fait la grande guerre, ils ont vu l’horreur, et maintenant ce sont des sortes de… légumes, mais ils jouent au bridge et ils sont, eh bien, dans le contentement.

"Olympians", quant à elle, reste dans le thème des relations humaines, qu’elles soient internationales ou avec seulement deux personnes mais dans ce cas précis, il s’agit de plus de deux personnes. Elles sont dans cet endroit sombre, tard dans la nuit, et n’arrivent pas à se sortir de là mais le choeur répète "we’re gonna turn it around" et elles essaient de se sortir de cette négativité. Tout ceci est basé à partir d’expériences personnelles mais j’extrapole à partir de certains détails.

Au final, pensez-vous que vous allez devenir plus, disons, direct, dans votre processus d’écriture ?

Andrew Bird : Je ne peux pas vraiment savoir ou prédire sur ce que je vais écrire par la suite, mais il est certain que j’apprécie cela davantage qu’avant !

Andrew Bird sera à Paris le 14 juin au Trianon dans le cadre de sa tournée.

 

A lire aussi sur Froggy's Delight :

La chronique de l'album Armchair Apocrypha de Andrew Bird
La chronique de l'album Noble Beast de Andrew Bird
Andrew Bird en concert au Festival des Inrocks Motorola 2007
Andrew Bird en concert au Festival La Route du Rock 2009 (dimanche)

En savoir plus :
Le site officiel de Andrew Bird
Le Bandcamp de Andrew Bird
Le Soundcloud de Andrew Bird
Le Facebook de Andrew Bird

Crédits photos : Arnaud Kehon (retrouvez toute la série sur Taste Of Indie)


Sabine Littlesa         
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