Drôle d’ouvrage que cette nouvelle publication des éditions Sonatine qui fait le choix de publier un roman complètement déjanté écrit dans les années 70, inédit en France. Son auteur Harry Crews, mort il y a sept ans, n’est pas un inconnu puisque certains de ses romans ont déjà été publiés chez Sonatine.
Après avoir vagabondé à travers les Etats-Unis, John Kaimon arrive en Floride, où il fait la connaissance d'une petite communauté de karatékas fanatiques. Ceux-ci exercent leur art dans la piscine vide du motel désaffecté où ils ont élu résidence.
Plus qu’un simple art martial, c’est un véritable culte auquel s’adonne cette tribu, dont chaque membre a renoncé à sa vie passée ainsi qu’à toute possession matérielle. Seule compte pour eux la pureté de l’esprit. Si Kaimon y trouve d’abord une philosophie de vie satisfaisante, son attirance pour Gaye, une magnifique karatéka, va l’entraîner dans de sulfureuses aventures.
Un peu plus de 200 pages, c’est le temps qu’il vous faudra pour pénétrer l’univers de cet auteur particulièrement original qui ne ressemble à aucun autre. Sans être d’une exigence folle, la lecture de l’ouvrage s’avère néanmoins assez particulière et pas toujours simple car cela peut parfois partir un peu dans tous les sens, ce qui semble néanmoins assez logique puisque cela décrit une période bien particulière, les seventies peu marquées par un forme d’académisme.
Les personnages sont haut en couleur, profondément décalés et l’auteur a pris soin d’adapter son style d’écriture à ces personnages, aux situations déjantés et souvent ubuesques qu’ils rencontrent. L’auteur nous embarque dans un univers trash et déjanté que l’on n'est pas forcément habitué à lire qui n’en demeure pas moins sympathique à lire.
Le style est percutant, c’est le moins que l’on puisse dire. L’auteur alterne passages violents, cocasses et loufoques et instants philosophiques avec un véritable talent. Il nous promène dans l’univers des seventies sans jamais nous ennuyer autour d’une bande de personnages déjantés et attachants qui n’arrivent pas à vivre dans un monde qui ne les comprend pas.
On retrouve dans ce récit irrésistible, plein de compassion et d’ironie, les obsessions de l’auteur pour la sexualité carnivore, les freaks, la violence, mais aussi toute sa tendresse pour les âmes perdues qui tentent de survivre dans une société qui leur est contraire.
Le karaté est un état d’esprit s’avère donc être un livre particulièrement original, un véritable plaisir de lecture. |