Pour Halloween le festival du même nom - mené par l'impeccable organisation de Régie Scène - nous a préparé une affiche à trembler (de plaisir), jugez plutôt : Dahlia en ouverture, suivi des énervés de Luke, des allumés de Dionysos et des festifs de Louise Attaque. Et comme si ça ne suffisait pas, la cerise sur le gâteau : Romain Humeau himself vient en bouquet final pour clore la fiesta.
Alors, elle est pas belle mon affiche ? Le boss de Régie Scène peut avoir le sourire. Les kids aiment le rock et ce soir Quimper est LA capitale du rock frenchie. Rarement une affiche aura été aussi blindée. Inutile de dire que le Pavillon est à bloc, ras la gueule, d'ailleurs dès l'ouverture la marée humaine envahit la salle. Ca va être chaud.
C'est Dahlia qui ouvre, dans une version rock un peu soft entre timides ballades, le chanteur à la gueule d'ange (qui me rappelle étrangement Fabien Cahien de feu Cox) égrenne ses mots sur une partition élégante mais qui manque un poil de patate à mon goût.
Bon, en même temps, pas facile d'ouvrir une affiche comme celle-là et de chauffer le public pour le compte des autres. Une demi heure de set à la louche, Dahlia tire sa révérence.
Changement de plateau rapide, backliners efficaces, Luke s'apprête à investir les lieux...
Grosse ovation, le Pavillon vacille. Thomas Boulard et ses zicos entrent dans l'arène et le public entre en transe. Drôle de parcours pour un groupe qui s'est d'abord essayé à l'électro avant de plonger dans le côté noir et obscur du rock, obscur comme le désir, noir comme la voix d'un autre. Que n'a-t-on dit et écrit sur le mimétisme de voix de Thomas Boulard avec celle de Bertrand Cantat.
Qu'importe le flacon, semblent se dire les kids du premier rang, qui récitent les paroles de "Soledad" avec une régularité métronomique.
Soyons clair, le set de Luke est foutrement bien monté, efficace et au final c'est bien joué. C'est du rock, avec les lights, le son et les attitudes. Le public est venu ce soir en partie pour Luke et le groupe en est conscient.
En offrant le meilleur du french rock, Luke a encore gravi une marche. One step beyond !
Dionysos plante le décor, un décor de circonstance, des lights sombres.
Pas de problème, on est bien à Halloween. Au premier riff, Mathias sort de ses gonds avec l'énergie qu'on lui connaît, c'est un diablotin qui bondit de part en part sur la scène, totalement imprévisible, définitivement furieux, à un point tel que ça en devient par moment un brin agaçant.
La qualité de la prestation musicale a tendance à perdre en intensité au profit d'une déambulation gesticulatoire quelque peu désordonnée et pour être franc assez bordélique. Qu'on ne s'y trompe pas, j'aime beaucoup Mathias et Dionysos, je les connais de longue date.
Mais depuis leur prestation aux Victoires de la Musique, j'ai l'impression que le bordel ambiant est devenu une sorte de marque de fabrique, au détriment du reste. Evidemment, quand Mathias saute dans le public pour explorer le cinquante mètres Pavillon indoor made in breizhland, ça fait de bonnes images. A l'aller, passe encore, le retour a été plus douloureux.
Au final Dionysos a fait du Dionysos. Mathias nous a gratifié de quelques cascades, genre Pouf le cascadeur, Babeth a secoué ses couettes et son violon alto et les chemises ont terminées le set trempées, direction le pressing.
C'était un bon concert mais j'en attendais plus de l'un de mes groupes français préférés.
Je connais peu Louise Attaque, au fond je ne les connais que de (bonne) réputation. Jamais vu en concert, sauf un morceau du groupe l'an passé sous le nom de "Tarmac". Je connais quelques chansons - dont l'inaltérable tube "Je t'emmène au vent" - et je dois admettre que je voue à ce groupe culte une admiration non feinte.
Parce que, et c'est presque un lieu commun de le reconnaître, voilà bien LE groupe qui s'est construit seul, sans l'appui d'une structure marketing, à la seule force des guitares, des violons et de tournées incessantes dans les coins les plus paumés de notre hexagone. Une réussite remarquable, que seuls des groupes du calibre de Noir Désir peuvent revendiquer.
Alors ? Il est où le public de Louise Attaque, hein ? Ecoute-le, tends l'oreille, il est là, dont la clameur dépasse de loin en intensité tout ce qu'on a entendu ce soir. Le public est là pour Louise Attaque et ça s'entend. Une frénésie communicative s'est emparée du Pavillon, Louise Attaque fait de la musique festive et c'est la fête, autant sur scène que dans le public !
Sur scène, la symbiose entre les zicos est quasi parfaite, alors que le groupe ne vient que de se reformer... Louise Attaque offre à son public un set parfait, avec l'énergie, le sourire et un petit zeste de quelque chose en plus.
Le talent, sans doute. A pas d'heure et après la prestation du groupe leader, on se dit que la soirée est finie et que la salle va se vider. Et pourtant non, il reste une grosse poignée d'irréductibles, plusieurs centianes, ils sont scotché aux barrières, ils attendent et ils ont dans les yeux une lueur qu'on n'a pas vu ailleurs. Je suis à leurs côtés, dans la fosse.
J'ai demandé - et obtenu - le privilège de rester à leurs côtés pendant toute la durée du set de Romain Humeau. Difficile de parler d'un artiste quand on lui voue une admiration quasi irrationnelle. De vous à moi, ce soir je suis là surtout pour Romain. Du plaisir dans le viseur ET dans les oreilles, ça ne se refuse pas.
Romain Humeau a quelque chose que les autres n'ont pas. C'est un roc, ce type transpire le feeling, l'émotion à fleur de peau. Chaque mot est pesé, rien n'est laissé au hasard.
Les textes sont ciselés - il va nous servir une version explosée de "La mort sifflera trois fois" - et posés sur des mélodies arrangées, fignolées. On dit souvent de Romain Humeau qu'il réalise sur la partition un travail d'orfèvre. On n'oublie pas que Romain a signé de somptueux remix de Noir Désir (one trip one noise) dont il est proche.
Alors que dire d'autre que chaque concert de Romain Humeau est un pur moment d'extase ? D'ailleurs, il est des signes qui ne trompent pas. Pendant le set de Romain, les membres de Luke, de Dionysos se pressent backstage, admiratifs. Romain Humeau joue pour ses fans, ahuris irréductibles. De la rage, des riffs et une lueur quasi animale dans le fond des yeux.
Le rock, c'est lui. Putain de concert ! |