Avec "Le Rêveur de la forêt", le Musée Zadkine livre le dernier volet de sa trilogie muséale ordonnée autour de l'oeuvre et de la démarche créatrice du maître du lieu, clôt son "exploration des matérialités créatrices" commencée par "Etre pierre" suivie de "Ossip Zadkine - L'instinct de la matière".
Celle-ci s'inscrit dans la conception de l'oeuvre et de la sculpture d'Ossip Zadkine : pour le sculpteur qui officie en taille directe comme "héritier de l'antique tradition des tailleurs de pierre et de bois", "du dialogue avec la matière naît le geste de l'homme" qui se traduit par une hybridation de l’humain et de la nature induite par la forme originelle de la matière minérale ou végétale.
Cette démarche inscrite dans le courant du primitivisme moderne du début du 20eme siècle pour réinventer la sculpture a guidé les commissaires, Noëlle Chabert, directrice du Musée Zadkine, et Jeanne Brun, directrice du Fonds d’art contemporain gérant les collections de la Ville de Paris, pour sélectionner un superbe florilège d'oeuvres d'une quarantaine d'artistes modernes et contemporains mises en résonance avec celles d'Ossip Zadkine. Le rêveur de la forêt enchantée
Conçue comme un voyage artistique et réflexif voire initiatique, l'exposition place le visiteur à l'orée de la forêt et l'invite à franchir cette frontière-stargate qui conduit au coeur de l'écosystème forestier mais également à celui du secret du monde sylvestre, lieu polysémique comme générateur de contes et mythes et métaphore de la psyché humaine. Un voyage en trois stations - Lisière/Genèse/Bois sacré, Bois dormant - introduit par l'armée des troncs-totems de Zadkine ("Torse violoncelle", "Torse d'Ephèbe", " Vénus cariatide", "Demeter", "Torse de femme"e et "Porteuse d'eau", tête de pont de "La Forêt" de Giacometti ("la forêt qui s'élève comme le peuple") avec une tête d'homme à ras de terre qui regarde ce fronton et une série photographique de Philippe Bard.
Peuple par la similitude physique de l'arbre et de l'homme, tous deux enracinés dans le sol de la Terre-Mère, qui tient à leur verticalité, la cime du premier ne cessant de s'élever vers le ciel et celle du second en quête de spiritualité et de sens, d'élévation épiphanique comme l'indique Noëlle Chabert.
Si la forêt abrite la faune des bois, elle abrite également d'étranges créatures métamorphiques tels "L'homme-hibou" de Karel Appel et le "Congloméros" du peintre Victor Brauner tout comme elle génère des formes de vie originales ainsi les morphogenèses de Jean Arp et les "Parle Ment branches" de Laure Prouvost, retenus pour l'affiche, des branches sur lesquelles se développent des organes féminins.
Dans la forêt, selon la formule de Lavoisier, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme et la vie renaît même des cendres comme le coeur doré ("Brotes") de Javier Perez ressuscitant tel un phénix de rameaux calcinés et les bronzes calcinés de la série "Kéromancie" de Hicham Berrada.
A l'ombre des statues-colonnes de Zadkine ("Daphné", "Prométhée"), et accompagnés du dispositif vidéo-acoustique de Ariane Michel ("La Forêt des gestes"), le buste féminin incarnant le sommeil d'Auguste Rodin et le faune de Jean Carriès veillent sur, entre autres la "Forêt noire" de Eva Jospin et les "Graines de serpentes" de Laurie Karp. A ne pas rater, entre autres tant sont nombreuses les pépites, la sublime femme-animal de Gemaine Richier ("La chauve-souris"), le dessin de "lentilles de contact-miroir" pour visage ligneux de Giuseppe Pennone, l'"Arbre du Paradis" de séraphine de Senlis et "Le reliquaire de la forêt" de Bernard Requichot.
Et une transition avec le réel de la ville s'effectue en douceur dans le jardin de cette maison-musée sous le guide d'Orphée avec "La Forêt humaine" et "Les Mains végétales" de Zadlkine
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