Le disque d’une artiste à l’imagination féconde et libre
Sans doute n’avez-vous jamais entendu parler de Pikku. C’est tout à fait normal car cette jeune musicienne d’origine polonaise, âgée de 22 ans (et qui a eu la chance - ou pas ! - de grandir dans la ville de naissance de Klaus Kinski) publie son premier album : album où son imaginaire enchanté est chanté en polonais, anglais, français ou japonais.
Pleine de fantaisie, les chansons de Pikku sont sans exubérance aucune ; non, rien n’est farfelu ici, ni gratuit.
Si sa voix comme son chant enfantin, dont le caractère clivant doit être souligné, évoquent Cocorosie, Björk, Mùm ou Kate Bush la musique, quant à elle, bien que puissant sans trahison ni excès prendre place dans ce sillage, échappe à tout qualificatif. La forme des morceaux, les différentes directions esthétiques, les choix de productions comme les très nombreux instruments donnent à sa musique une singularité certaine : kalimba, ukulélé, basson, balle de ping-pong, guitares, percussion électroniques ou organiques, marimba, piano, synthé, entrelacs de voix, violons, sons aquatiques, percussions aux résonnances de verre, boîte à rythmes, etc.
Bref, cet album est doté d’une riche palette de sons mais sans fourmillement sonore, tant chaque morceau semble épuré, nul effet ici, nulle démonstration. Car oui, le risque, lorsqu’on est doué, presque virtuose comme Pikku et que l’on a une imaginaire libre et fécond, est d’en faire démonstration, d’aller vers la surcharge (coucou les jazzeux) d’étaler et de s’étaler. Au contraire ici, les morceaux sont riches mais modestes et précis.
L’album s’ouvre discrètement ("As your arms unfold") au son du kalimba, d’un clair arpège de guitare électrique et d’un chant céleste. L’on se dit tout de suite que Pikku est notre amie, enfin qu’on aimerait bien qu’elle le soit !
Rupture de ton avec "Eggshells" et sa fanfaresque rythmique au basson - les rebonds d’une balle de ping-pong nous rendent tout guilleret.
Puis vient le délicatement mélancolique "Heartbreak". Les percussions de verre y brillent comme brill sur un lac gelé un soleil froid dans un ciel nappé de cordes ; un petit quelque chose d’un morceau de post-rock ambiant.
Dans la même veine romantico nostalgique, il nous faut mentionner l’exquis "J’ai connu la neige" et "Nuku nuku ii" dont le piano au minimalisme coulant évoque un peu Sakamoto.
Le sensuel "Pillow sessions" aux sons et percussions organiques, aux expressifs et délicats arrangements de cordes réchauffent un peu tout ça.
Les morceaux plus électroniques - le percussif "Madame Raymonde", "Niewiniatko", boîte à rythmes, violons et sons aquatiques et le planant "Daj Mi Tego Jednego" et ses entrelacs de voix - ponctuent le disque.
Cette musique est d’une féerie enchanteresse, d’une poésie naïve et sobrement lyrique. Une musique qui, bien que semblant évidente, étonne. Evidente elle l’est, à une nuance près : évidente comme 5, 3, 2, 1.
5, 3, 2, 1 est un album de forêt, de sous-bois hanté par les lutins, les fées, les elfes que l’on surprend dans leur habitat et qui nous veulent du bien. C’est tout juste si ils ne nous invitent pas à les suivre.
Pikku a un talent fou et tout aussi fou et incontestable que sa compatriote et aînée Ela Orleans.
Parions gros (c’est sans risque) que ce disque vous enchantera et que Pikku (petit en finnois) deviendra grande, mais pas trop.
# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine
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