Monologue dramatique de Samuel Beckett, mis en scène et interprété par Véronique Boulanger avec en alternance Dominique Ratonnat ou Jérôme Keen. Un couple enfoui dans le sol d'un no man's land calciné. Lui, Willie, presque invisible et quasi mutique, dort ou lit son journal. Elle, Winnie, véritable moulin à paroles, le surplombe en femme-tronc. Comme si parler pouvait conjurer le temps, la solitude et la mort.
Ils forment le duo de l'emblématique partition de Samuel Beckett intitulée "Oh les beaux jours" considérée comme un monument comique au service du tragique, celui de la finitude organique, prosaïquement matérialisé par un tube de dentifrice presque vide, métaphore de la fin sans remède, une ode à l'obstination humaine pour le désir de vivre un jour encore - "Oh le beau jour encore que ça va être" - "Oh le beau jour encore que ça aura été" - en combattant l'effroi par l'immuabilité de rituels rassurants et à la nécessité de la parole sinon échangée du moins en adresse à un autre.
Le spectateur qui n'est pas un théoricien du spectacle y verra, selon son tempérament et sa nature, formalisé par les deux prédicats du verre à moitié vide ou à moitié plein, une illustration du stoïcisme ou la quête eudémoniste.
Véronique Boulanger met en scène cette partition dans un décor de désert avec l'enfouissement des protagonistes dans le sable, comme le font parfois les enfants à la plage, représenté les replis d'une fine toile de jute, dans une approche qui n'est pas celle, communément retenue, du sentiment de finitude accablée.
En effet, elle indique dans sa note d'intention que Winnie n'est pas "une femme qui va vers la mort mais simplement une femme vivante" et qui "même si elle a compris que dans la vie on est toujours seul devant sa destinée, elle veut croire que c’est mieux quand on est deux".
Egalement au jeu, avec pour partenaire Jérôme Keen ou Dominique Ratonnat, elle campe une Winnie adepte de la psychologie humaniste qui, avec sa tessiture de voix et sa scansion atypique qui ne sont pas celles de la déclamation, s'offre un roboratif coup de jeune. |