"Qu'adviendrait-il si, un jour, la science, le sens du beau et celui du bien se fondaient en un concert harmonieux ? Qu'adviendrait-il si cette synthèse devenait un merveilleux instrument de travail, une nouvelle algèbre, une chimie spirituelle qui permettrait de combiner, par exemple, des lois astronomiques avec une phrase de Bach et un verset de la Bible, pour en déduire de nouvelles notions qui serviraient à leur tour de tremplin à d'autres opérations de l'esprit ?"
"Tout Joueur de Perles actif ne rêve-t-il pas d’élargir constamment les domaines du Jeu, jusqu’à englober l’univers ?" Hermann Hesse, Le Jeu des perles de verre
Depuis ses débuts, mais surtout avec Nola Chérie, Indiamore ou Big Sun, Christophe Chassol ne fait que redire une évidence oubliée ou perdue, le rythme, la danse et la musique font partie intégrante de notre vie. Via ses films musicaux, il "synchronise et harmonise le réel".
Loin des formats pop et plus proches des musiques de films qu’il affectionne tant, il met en sons, en rythmes, en mélodies la vie, les gens, tout ce qu’il rencontre et qu’il juge intéressant. Et cet objet entre image et son, ce néologisme, Chassol le nomme "ultrascore".
Avec Ludi, il ne s’intéresse plus à l’Inde ou à La Martinique mais aux jeux et s’inspire du roman d'Hermann Hesse, Le Jeu des perles de verre. A noter que l’on retrouvait déjà le romancier allemand au cœur d’Indiamore via son livre Siddharta.
Plus qu’un simple jeu, ce Jeu des perles de verre est la construction d’un langage : "il inventa pour le Jeu des perles de verre les principes d’un langage nouveau, d’une langue faite de signes et de formules, dans laquelle les mathématiques et la musique eurent une part égale, où il devint possible d’associer les formules astronomiques et musicales, et de réduire en somme à un dénominateur commun les mathématiques et la musique". On se rappellera alors du quadrivium... Tout ne sera donc question que de langage, de mise en musique de ce langage, de ces règles, du questionnement de ces interactions avec le musical, des gestes qu’il nécessite etc. Et ne dit-on pas que l’on joue de la musique ?
Chez Christophe Chassol, l’alliance entre le "vivant" et la musique passe par la recherche d’harmonies internes à l’harmonisation et à la synchronisation, entre les rythmes, les sonorités et le sens des gestes. Cette détermination à accorder le son au sens, et donc la forme au fond, l’intention au résultat, détermine également les combinaisons de sonorités des gestes ou de la prosodie. D’une certaine façon pas si éloignée du figuralisme à la Clément Janequin ou des travaux pédagogiques de Zoltán Kodály.
Son écriture favorise une autre forme d’expressivité sonore en jouant sur l’euphonie.
Le disque est agencé, découpé selon la classification des jeux de Roger Caillois : compétition, hasard, simulacre, le vertige, de parcs d’attractions, des jeux d’enfants et avance comme une sorte de partie rêvée. Il suffit d’écouter des titres comme par exemple "Les règles" qui fait groover le chant presque recto tono de Chassol avec un extrait du texte d’Hermann Hesse, "Savana, Céline, Aya (Pt. 1 & 2)" et ces jeux de mains, "Rollercoaster (Pt. 1 & 2)" qui nous plonge en pleines montagnes russes, "Mikado Walking", etc. pour se rendre compte que le résultat, plus que probant est fantastique.
Chassol joue aussi avec des musiciens formidables : Mathieu Edouard à la batterie, Joce Mienniel à la flûte, Bertrand Burgalat à la basse sur "Les anneaux de Saturne" et Carine Chassol, Ala.ni, Alice Lewis, Alice Orpheus et Thomas de Pourquery au chant. On ne citera pas l’équipe du film qui est trop important mais elle mérite d’être saluée également !
Ne passez absolument pas à côté de cet artiste et de ce superbe disque !