Drame d'après l'oeuvre éponyme de Henrik Ibsen, adaptation et mise en scène de David Bobée, avec Clémence Ardoin, Jérôme Bidaux, Pierre Cartonnet, Catherine Dewitt, Radouan Leflahi, Destinée Mbikulu, Thierry Mettetal, Marius Moguiba, Lou Valentini et Butch McKoy.
A l'instar de nombre de ses homologues générationnels, tels Jean Bellorini et Thomas Jolly, le metteur en scène David Bobée s'inscrit dans la tendance contemporaine de la réactivation du théâtre de troupe et du théâtre épique avec notamment des adaptations de pièces du répertoire et des transpositions de textes littéraires.
Ainsi, il présente sa version de l'oeuvre "monstre", tant par sa longueur que son registre hybride, "Peer Gynt" de Henrik Ibsen, elle-même adaptée d'un conte norvégien, qui, par la métaphorique résistible ascension du protagoniste central, un vilain garnement fier et farouche, effronté et menteur, hâbleur et bagarreur, qui fait le désespoir de sa mère et qui aime raconter, et se raconter, des histoires pour occulter sa situation modeste et anticiper de rêves de grandeur, stigmatisait la médiocrité et le nationalisme de ses compatriotes.
Au terme d'une dramaturgie élaborée par Catherine Dewitt qui opère par mise en résonance contextualisée avec l'ultralibéralisme triomphant et de l'impérialisme américain, l'opus est structuré en tableaux avec pour intermèdes des compositions musicales de Butch McKoy, de la pop mélancolique à la Nick Cave au rock progressif en passant par le country folk, interprétées en live.
Il se déploie en trois mouvements, le rêve, l'ascension et la chute, ordonnés en ellipse pour narrer le parcours, peut-être simplement fantasmé, du plébéien enrichi de manière peu glorieuse qui ambitionne devenir l'empereur du monde.
La partition, qui opère par le mélange d'univers spatio-temporels, le brassage des pseudo-valeurs contemporaines, l'argent, la réussite, l'opportunisme et le sectarisme, et des inserts de répliques emblématiques, est mise en scène à la façon de la pièce à machines empruntant au théâtre de tréteaux, mais avec les moyens du théâtre subventionné.
Amplifiée par les lumières crépusculaires de Stéphane Babi Aubert, la scénographie de David Bobée et Aurélie Lemaignen, dont un décor de terrain vague avec les débris d'une fête foraine délabrée, s'avère efficace en termes de fabrication d'images notamment dans les scènes chorales, telle celle du royaume des trolls représentées comme des créatures anthropomorphes dont le corps blanchis évoque le rituel de certaines ethnies africaines s'enduisant de kaolin. Une choralité sans faille des neuf comédiens qui entourent Radouan Leflahi dans le rôle-titre, véritable bête de scène au jeu très organique pour un spectacle de bruit et de fureur. |