Monologue dramatique d'après le récit éponyme de Pascal Quignard, adaptation et interprétation par Marion Lahmer en compagnie du musicien Mattéo Pastorino dans une mise en scène d'Aurélia Arto.
On sait que Pascal Quignard peut prendre toutes les incarnations de l'écrivain : romancier, poète, philosophe, moraliste, dramaturge, scénariste... et conteur. C'est le Quignard conteur qui est à la manœuvre avec "Le nom sur le bout de la langue", récit datant du début des années 1990 et qui montre qu'il était déjà un conteur de haut niveau, un parent moderne de Charles Perrault et des frères Grimm, qui va puiser sa fable au cœur d'un Moyen Age où le Diable et le Bon Dieu sont des entités bien présentes dans la vie des humains. Qu'une imprudente jeune fille amoureuse contracte sans vraiment s'en rendre compte un pacte tacite avec une figure diabolique déguisée en gentilhomme affable et voilà des spectateurs d'une époque pourtant de plus en plus en matérialiste qui craignent le pire pour elle. Derrière leurs masques, on les imagine tendus car la jolie couturière tout de blanc vêtu jouée par Marion Lahmer, leur raconte elle-même toute son aventure, comment le jeune homme dont elle s'est entichée l'a mise au défi et comment pour le surmonter elle a été amenée à fréquenter l'infréquentable.
Marion Lahmer reprend avec une belle conviction le rôle créé par Marie Vialle au Téâtre de la Bastille en 2003. C'est d'ailleurs à cette occasion que Pascal Quignard a eu envie d'écrire pour le théâtre... et Marie Vialle, aboutissant en 2016 à "La rive dans le noir" où l'auteur et l'actrice se trouvent tous les deux en scène.
Marion Lahmer n'en est pas encore là, mais elle apporte au personnage une fraîcheur sans arrière-pensée que sa devancière ne possédait déjà plus à l'époque. Bref, Marion croit naturellement plus au conte et aux belles histoires que Marie. Guidée par la mise en scène d'Aurélia Arto, qui la montre tour à tour comme une encore presque jeune fille naïve et une déjà femme au tempérament assez affirmé, épaulée par le souffle discret de la clarinette de Mattéo Pastorino, elle utilise son indéniable charisme pour transformer le conte classique écrit par Quignard en une quasi tragédie. On la sent heureuse de s'apercevoir que son public est prêt à la suivre dans toutes ses exagérations de conteuse.
"Le nom sur le bout de la langue " est un spectacle tout simple et sans faute de goût, qui permet d'entende la langue élégante de Pascal Quignard et de découvrir en Marion Lahmer une indéniable actrice à qui l'on souhaite de rencontrer constamment d'aussi beaux rôles qu'elle saura, on n'en doute point, défendre avec la même intelligence et la même sensibilité. |