Comédie dramatique écrite et mise en scène par Eric Bu, avec Sophie Forte, Christine Gagnepain et Ste?phane Giletta.
De petite fille à grand-mère, sous la plume et les indications d'Eric Bu, Sophie Forte ressuscite celle que sa fille Catherine, sous le charme du spectacle, appelle une "étrange petite fille" : Françoise Dolto. Sous-titré "Comment devient-on Françoise Dolto?", "Lorsque Françoise paraît" est la seconde "biographie théâtrale" d'Eric Bu, qui, avant le confinement, avait déjà donné vie avec Elodie Menant, merveilleuse dans le rôle, à Arletty dans "Est-ce que j'ai une gueule d'Arletty ?".
Avec la même empathie que pour la native de Courbevoie, Eric Bu, sans s'en tenir strictement au carcan de la chronologie, raconte la vie très intense de Françoise Marette, future épouse de Boris Dolto. On saura en moins de 90 minutes aussi hilarantes qu'émouvantes, et surtout toujours passionnantes, comment une petite fille d'un milieu très catholique et très conservateur va révolutionner le regard des adultes sur les enfants.
Bravant avec une volonté d'acier tout ce que son milieu refusait aux femmes, faites pour le mariage et la maternité et jamais pour le travail et les études, elle sera bachelière, médecin, psychanalyste, partenaire de Lacan, heureuse mère de Carlos (le chanteur), star médiatique.
Et cela avec une mère morbide et pas toujours attentionnée, vivant dans le souvenir de Jacqueline, l'aînée morte et parée de toutes les qualités qu'elle déniait à Françoise, qui, dès l'enfance, avait pour elle la lubie de s'imaginer "médecin d'éducation"... Sur une scène peuplée d'un fauteuil, d'une chaise et d'un grand meuble à tout faire (de poser les chapeaux à s'asseoir), Eric Bu a conçu son spectacle en saynètes assez brèves. Sophie Forte en Françoise Dolto à tous les âges est entourée de Christine Gagnepain et de Stéphane Giletta qui se transforment en nombreuses personnages.
Christine Gagnepain excelle dans le rôle de la mère et Stéphane Giletta multiplie les clins d'oeil malicieux. Tour à tour père ou mari de Françoise, il sera aussi Lacan, Carlos, Jacques Pradel, Bernard Pivot et bien d'autres.
Jamais théorique, Eric Bu montre même la pratique de Françoise toujours à l'aide de ses partenaires se transformant alors en enfants ou en parents éplorés. Si l'on consulte une biographie de Françoise Dolto, on risque de se perdre dans les détails de cette vie si bien remplie. Pas Eric Bu qui a su conter l'essentiel, se défier des polémiques sans pour autant cacher les réticences et les malentendus occasionnés par les méthodes de la "grand-mère de la psychanalyse" qui, désormais, occupe le fronton de tant d'écoles. Il rend une copie parfaite sous une forme très personnelle qu'on ne peut qu'aimer tellement on y sent le plaisir de faire partager sans ennuyer. Cette année 2020 sera pour lui celle de la consécration, puisque, outre ses deux "biographies théâtrales", où triomphe toute sa fantaisie, il n'a pas oublié qu'il était d'abord un cinéaste, en signant "Le retour de Richard 3 par le train de 9 h 24", film qui lui aussi a pour but de combattre l'épidémie de morosité actuelle. On y retrouve aux côtés d'Hervé Dubourjal une pléiade d'acteurs, car Eric Bu - on l'a compris - les adore, et parmi eux, évidemment Sophie Forte sur laquelle il faut conclure, en répétant à l'envi qu'elle est une extraordinaire Françoise Dolto et une extraordinaire actrice tout court. |