Spectacle marionnettique de la Compagnie Anima Théâtre, texte de Panayotis Evangelidis, mise en scène de Yiorgos Karakantzas, avec Irène Lentini et Magali Jacquot.
On sait désormais, notamment grâce à Simon Abkarian, ce qu'est le Rebetiko, cette musique née dans les années 1920, spécifique aux minorités chassées d'Asie mineure et réfugiées en Grèce. En prenant comme titre "Rebetiko", Panayotis Evangelidis annonce la couleur : on va suivre des personnages dans la tourmente, cherchant à fuir un pays hostile, à la recherche d'une terre d'exil, voire d'une terre promise. C'est donc à un voyage périlleux auquel on est invité par Yiorgos Karakantzas. Qu'il ait choisi des marionnettes pour incarner des êtres traqués, souvent se réfugiant dans l'obscurité de cachettes improbables, seulement éclairés par de petites lueurs d'espoir ou connaissant de furtives rémissions dans leur chemin de croix, rajoute encore une dimension à ce récit. Fétus de paille ballotés dans des bateaux de papier ou atterrissant au fond de poubelles salvatrices, ils sont toujours emportés par la musique, le rebetiko, qui prend la forme du piano mécanique, de la "laterna" de Nicolo Terrasi, présent avec son instrument à l'avant-scène. En contrepoint, le compositeur joue aussi de la basse, plaçant les personnages entre passé et futur, dans une confusion qui correspond bien à leur état et au projet de Yiorgos Karakantzas, qui utilise largement la vidéo. Pendant que les marionnettes portées sont admirablement manipulées par Irène Lentini et Magali Jacquot dans un castelet, se superposent des projections holographiques créant un effet-miroir, entre un réel tangible et un irréel onirique. On suivra le périple de ces réfugiés comme un road-movie cauchemardesque dans une espèce de train-fantôme, semé pourtant de petits moments d'humour, car il est clair que sans cela, ils ne parviendraient pas au bout de ce voyage à l'extrême bout de la nuit.
Si l'on ne connaît pas bien l'univers de la marionnette, "Rebetiko" sera la preuve que l'on peut désormais tout y traiter et, cela, en ouvrant encore le champ des possibles grâce aux effets visuels électroniques. Pour les néophytes comme pour les aficionados, le spectacle de Yiorgos Karakantzas sera l'occasion d'entrer en empathie avec des personnages profondément émouvants |