La Halle Saint-Pierre dédiée aux arts singuliers, de l'Art brut à l'Art Outsider, a donné une carte blanche à Stéphane Blanquet considéré comme un figure majeure de l'underground français en lui confiant ses deux espaces d'exposition.
Ainsi est-il le curateur de celui situé à l'étage pour réunir des artistes qui ressortent à sa constellation artistique et réunis sous le titre "Tranchée Racine".
Et il se fait commissaire de lui-même pour celui du rez-de chaussée pour présenter un florilège de ses oeuvres fédérées sous l'intitulé, "Dans les têtes de Stéphane Blanquet", qui, selon lui, correspond à sa multiplicité d'univers pour lesquels ne suffit pas une une seule tête.
Et pour les représenter, cet artiste-hydre, éditeur, dessinateur de bandes dessinées, céramiste, peintre, vidéaste, plasticien, photographe, scénographe attitré de l'auteur, comédien, metteur en scène Jean Lambert-wild*, s'est emparé de tous les médiums et moyens formels d'expression artistique, des beaux arts aux arts visuels en passant par la tapisserie.
Ce qui aboutit à une oeuvre tentaculaire et vertigineuse que le visiteur abordera selon sa sensibilité et sa capacité à l'apprécier sous le prisme du second degré car complexe, la question "est-ce du lard ou du cochon ?" étant particulièrement adaptée en l'espèce, elle se prête à plusieurs niveaux de lecture de l'horrifique au tragi-comique.
Le Grand Guignol selon Stéphane Blanquet
En juin 2021, précision importante car il a conçu une monstration en trois volets successifs, dans l'immense et close salle noire sans percée lumineuse du rez-de-chaussée de la Halle Saint-Pierre, ses créations se déclinent de manière panoptique autour de l'installation "Entre les cieux et les rats".
Elle se compose d'une idole régnant sur un domaine de rongeurs, qui n'est pas sans rappeler la fascination pour la symbolique du rongeur d'égout du romancier, dramaturge et dessinateur Copi, et annonce la couleur : l'esthétique du grotesque et la résonance avec la Pop Culture par sa chromatique saturée.
Dans les points de ligne de fuite, des corps en deux ou trois dimensions. Car le corps constitue son tropisme thématique de Stéphane Blanquet, "un corps-puzzle" dont les morceaux déconnectés de l'ensemble deviennent, indique-t-il, "des paysages" ce qui est plus "intéressant qu'une petite balade dans la campagne".
Ce, dans une acception purement organiciste - "Nous sommes tous de la viande. Ne pas vouloir l'accepter est une belle perte de temps" - avec des corps soumis à des sévices et supplices et des corps mutilés transformés en assemblage de têtes, membres, viscères et organes sexuels et l'accumulation de ces chimères, ainsi en trois dimensions sous forme de sculptures en terre cuite ("Main sur corps racine") suscite au premier degré l'horrible et l'horrifique.
Un corps qui n'obéirait qu'à des processus archaïques, mais des morceaux de corps mis en scène sans tabou ni limite qui, paradoxalement, expriment des pulsions les plus monstrueuses de la psyché, notamment selon la fameuse bipolarité Eros-Thanatos, et se rattachent selon l'artiste à ce qu'il nomme "l'humanité souterraine".
Par ailleurs, une autre ambiguité subsiste : le grand oeuvre de Stéphane Blanquet art-thérapeute, exutoire à des fantasmagories et fantasmes personnels ("Ce qui m'intéresse c'est mon monde intérieur" précise-t-il) ou/et inscription très construite dans un courant artistique fantastique d'origine ancestrale fasciné par les monstres, les cauchemars et les visions infernales.
Des résonances avec, entre autres, l'enfer de Bosch, les "Caprices" de Goya, les recompositions du corps de Francis Bacon, la chair meurtrie de Berlinde De Bruyckere et les figures grimaçantes de Thomas Schutte, et une approche syncrétique qui mêle l'esthétique du grotesque, l'imagerie freak, le sanguinolant polysémique du gore, et, surtout, l'érotisme violent de l'ero guro japonais.
Stéphane Blanquet conçoit également des installations mécaniques, telle "Goudron Pressage-Sillon Tympan" pour son exposition en 2016 au Centre Pompidou, qui évoque celles de "l'électromaniaque" Gilbert Peyre.
Bien d'autres points d'entrée peuvent être activ&eacutés pour aborder cette foisonnante monstration et, pour préparer ou prolonger la visite, écouter le podcast de l'émission "Mauvais genres" de François Angelier sur France Culture consacrée à cette exposition avec l'interview et les commentaires de Stéphane Blanquet. |