Réalisé par Suzanne Lindon. France. Drame. 1h14 (Sortie 16 juin 2021). Avec Suzanne Lindon, Arnaud Valois, Florence Viala, Frédéric Viala, Frédéric Pierrot, Rebecca Marder, Dominique Besnehard, et Philippe Uchan.
A l'âge qu'a Suzanne Lindon, on pense en général à comment on va faire pour tourner ses premiers futurs courts métrages.
Elle a préféré passer directement au long métrage, un court long métrage d'une heure et quatorze minutes où elle va à 20 ans raconter ce qu'étaient ces "Seize printemps" où l'on quitte l'adolescence molle pour entrer dans l'adolescence proprement dite, c'est-à-dire ce moment où l'on ne se croit plus adolescent.
Suzanne porte le prénom de Sandrine Bonnaire dans "A nos amours", mais n'appartient pas au même milieu. Issue d'une bourgeoisie intellectuelle, avec un père compréhensif idéalement interprété par Frédéric Pierrot, elle découvre ses premiers émois mais hésite à aller plus loin. Il faut dire qu'elle s'ennuie avec les jeunes de son âge et a jeté son dévolu sur un garçon plus âgé qu'elle, un trentenaire qu'elle aperçoit en train de lire dans un café quand elle se rend à son lycée.
On est tout près du théâtre de l'Atelier et Suzanne se sent aussi attirée par l'aventure de l'écriture. Bref cette timide introvertie, qui zézaye légèrement et supporte un physique de jeune girafe à la tête un peu carrée n'est pas dans la norme de la lycéenne allumeuse d'acteurs.
Mais celui qu'elle rencontre (Arnaud Valois) n'est pas non plus le prototype du jeune homme qui sait et aime séduire les femmes en devenir. Que va donner leur rencontre improbable ?
Sans rien dévoiler, on dira que l'un et l'autre seront dans une infra-émotion, celle dont on se souvient longtemps, surtout quand on a justement seize printemps.
Suzanne Lindon mène son film sans copier ses grands aînés. On la sent très maître de son projet. Derrière son apparence de timidité, elle sait prendre tous les risques... et d'abord le premier : jouer elle-même la lycéenne qu'elle a été. Il faut être bien sûr de soi pour se remettre dans ses pas passés il y a si peu de temps. En surmontant cette première difficulté, elle construit un film de vrai auteur, original, sans "gras", sans complaisance de la jeune femme pour la très jeune fille.
Bien sûr, on pourra dire qu'elle est génétiquement bénie des dieux cinématographiques mais son premier film est si convaincant, si loin de l'exercice de style des bons élèves, qu'on la félicite d'avoir profité de tout ce qui lui a permis de ne pas attendre des années pour présenter ce film d'une honnêteté scrupuleuse où tout semble déjà pensé et sans jamais calculer.
"Seize printemps" de Suzanne Lindon est un premier film mieux que prometteur : il impressionne par la simplicité de sa facture. |