Réalisé par Anders Olholm et Frederik Louis Hviid. Danemark. Policier. 1h48 (Sortie 23 juin 2021). Avec Jacob Hauberg Lohmann, Simon Sears et Tarek Zayat.
Des émeutes urbaines, des policiers en première ligne avec un duo de flics classique, le "bad cop" et le "good cop", "Shorta" d'Anders Olhom et Frederik Louis Hviid est un film danois mais il aurait bien pu être étasunien, français ou dans la trentaine de pays dits occidentaux, voire même en Corée du Sud, au Japon.
Descendant de "La haine" de Matthieu Kassovitz et de "Do the right thing" de Spyke Lee, il a l'énergie de la vérité objective puisqu'il ne s'agit pas d'adhérer à un des camps qui s'affrontent.
"Shorta", flic en argot arabe d'après l'un des policiers est un remarquable film d'action. Il décrit un état actuel de la "civilisation" occidentale, celui où la police ne sert plus qu'à réprimer les velléités des jeunes des minorités à se révolter, en général quand l'un des leurs a été victime de violences policières.
Dans "Shorta", tout commence quand l'un des policiers déjà menacé d'être sanctionné, voire destitué après avoir participé à ce qu'on appelle une bavure est associé à un bon flic, aux états de service impeccables, mais pas toujours apprécié de ces collègues qui ne comprennent pourquoi il ne les soutient pas quand on les accuse d'exactions.
L'association entre Jacob Heubert Lhomann et Simon Sears va faire du bruit et des dégâts... L'un mettra-t-il de l'eau dans son vin répressif, l'autre comprendra-t-il pourquoi on finit par avoir la gâchette facile quand on est constamment sous tension en arpentant les coins et les recoins d'une cité à feu et à sang, où tout ce qui ressemble à un flic suscite une haine viscérale ?
A l'instar des séries et des films danois récents, le duo de réalsaterà la tête de "Shorta" est à la fois sobre et efficace. Si la France avait conçu un tel projet, il est à craindre qu'il aurait sombré dans le manichéisme habituel. Ici, le policier peut proférer des thèses franchement nauséabondes et agir normalement vis à vis d'un jeune garçon appartenant à la cité. On n'argumente pas en permanence, mais les circonstances réelles font évoluer leur vision théorique.
Si l'on veut tirer une leçon du film, c'est qu'il ne considère pas les policiers comme des idéologues aux petits pieds, forcément agissant dans le sens répressif et toujours contre la population qu'ils surveillent. C'est dans l'action qu'ils trouvent la voie qu'ils croient justes. Souvent, évidemment, elle ne sera pas franchement médiane. Pourtant, elle ne sera pas non plus forcément choisie parmi les pires solutions.
Par moments, "Shorta" pourrait être un documentaire. A d'autres, au contraire, il ne pourrait être qu'une fiction car le film se veut une interprétation du Danemark contemporain. On le sent bien informé et capable d'explorer toutes les pistes possibles.
"Shorta" d'Anders Ohlom et Frederik Louis Hviid est une réussite presque totale, sans doute aussi parce que le scénario est très consistant et d'une honnêteté scrupuleuse. Les personnages de la cité, et particulièrement le jeune Tarek Zayat et son entourage, sont bien dessinés et plus complexe que dans bien des films étasuniens ou français, ne sont pas des caricatures.
"Shorta" est à mille coudées au-dessus des films douteux de Jacques Audiard, comme "Un prophète" ou "Dheepan" qui n'échappent pas à la stigmatisation ambiante sur la violence des cité. Ce n'est jamais le cas de "Shorta"
Un grand polar, un grand film moral. En tout cas, immanquable. |