Le Mémorial de la Shoah présente une exposition inédite dédiée au sort souvent funeste des hommes et des femmes homosexuels pendant le Troisième Reich.
Intitulée "Homosexuels et lesbiennes dans l'Europe nazie", elle a été conçue par Florence Tamagne, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Lille.
Spécialiste de l’histoire culturelle du genre, de l’homosexualité et de ses représentations, elle connaît parfaitement le sujet qu'elle a traité dans un espace temporel plus large dans sa thèse soutenue en 1998* qui a ouvert le champ de l’historiographie française à l’histoire contemporaine de l’homosexualité et dont la quintessence a été publiée en 2000 sous le titre "L’Histoire de l’homosexualité en Europe".
Déclinée en un parcours chronologique, l'exposition ressort à la monstration documentaire, dont Florence Tamagne indique le triple enjeu, mémoriel, notamment ceux porteurs du "triangle rose" exterminés dans les camps de concentration, scientifique, pour réparer la carence historiographique à l'égard des oubliés de l'Histoire et rétablir la vérité historique, et pédagogique à l'égard des jeunes générations.
Le triangle rose dans tous les états
Symbole de l'homosexualité dans les camps de concentration, le triangle rose, depuis devenu, dans sa sa rotation verticale, le symbole des luttes LGBT, était celui de l'identification des homosexuels envoyés dans les camps de concentration sur le fondement d'une disposition pénale répressive, l'article 175 datant de 1871 et qui n'a été abrogé qu'en 1994, dont la mise en oeuvre est intensifiée sous le régime nazi par l'Office central du Reich pour la lutte contre l'homosexualité et l'avortement créé en 1936 par Heinrich Himmler.
La commissaire replace la question de la déportation homosexuelle, sur laquelle elle a publié en 2006 un article la Revue d'éthique et de théologie morale**, dans le contexte historique certes du nazisme, dont la politique de principe, au demeurant ambigue au regard de son tropisme homoérotique, dans un pays où, sous la République de Weimar, Berlin était surnommée la capitale homosexuelle, et à la mise en oeuvre à géométrie variable, et de sa force contagieuse, entre autres, en France et en Italie.
Et, avec justesse, dans celui de la répression de l’homosexualité en Europe depuis la fin du 19ème siècle, avec la réprobation morale, la stigmatisation sociale et la pénalisation dans certains pays européens, nonobstant la naissance subséquente, dans les années 1920, d’une subculture homosexuelle, émanant notamment des élites intellectuelles et des artistes dans les grandes capitales européennes, et la visibilité d'actifs mouvements militants.
L'exposition inclut l'évocation de certains parcours individuels, à cet égard, significatifs, tel celui de Marta Mosse qui a survécu à l'Holocauste et témoigné au procès de Nuremberg quant à la répression du lesbianisme qui était relativement moins systématique. Elle se clôt sur le chapitre de la tardive reconnaissance officielle des victimes du triangle rose qui intervient dans les années 2000 et de la lutte identitaire contemporaine.
Pour compléter ou la préparer la visite, regarder la vidéo de la rencontre du 2 mai 2021 sur le thème "Homosexualité et idéologie nazie, la mise en place des persécutions" animée par Fabrice Virgili, historien, directeur de recherches au CNRS, avec Johann Chapoutot, professeur d’histoire contemporaine à Sorbonne Université, Kirsten Plötz, historienne indépendante, et Régis Schlagdenhauffen, sociologue, maître de conférences à l’EHESS.
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