Réalisé par Naomi Kawaze. Japon. Drame. 2h20 (Sortie 28 juillet 2021). Avec avec Hiromi Nagasaku, Arata Iura, Aju Makita, Takedo Tanaka et Miyoko Asada
Depuis Ozu et bien d'autres cinéastes japonais, on connaît l'importance du thème de la famille dans le cinéma nippon.
Récemment, Hirozaku Kore-Eda en a fait avec bonheur l'essence de son cinéma ("Tel père, Tel fils", "Une affaire de famille"). On peut aussi citer Koji Fukuda, dont on est en train de découvrir les œuvres majeures ("Hospitalité", "Harmonium").
Avec "True Mothers", Naomi Kawase les rejoint pour aborder le problème de l'adoption, des deux côtés "maternels". La réalisatrice qu'on a connue plus portée sur les symboles, plus encline à un cinéma contemplatif et esthétique aborde, sans totalement renier sa manière de filmer, des choses plus terre à terre, troque son penchant pour les fins de vie pour suivre l'avènement d'un enfant et ce qui se cache derrière comme drame ou comme souffrance.
Une fois encore, elle plonge en immersion dans les non-dits de la société japonaise. Une jeune fille, presque une enfant, découvre l'amour sans y être préparée et se retrouve enceinte. Une jeune femme comblée socialement ne peut avoir d'enfant cherche.
Dans les deux cas, elles risquent d'être à l'index d'un monde qui ne supporte pas "l'anormalité", la transgression même involontaire de la norme est une faute qu'on va leur imputer et qui risque d'en faire des "marginales".
Alors, on découvre l'existence d'un lieu presque paradisiaque où les jeunes filles viennent passer leur grossesse loin de l'hostilité de leur milieu, et où les adoptants, qui financent ce séjour, viennent chercher ces enfants que leurs jeunes mères sont contraintes d'abandonner en signant une renonciation définitive...
Mais, quelques années plus tard, qui dit que la jeune fille ne sera pas obsédée par cet enfant perdu ? Ne souhaitera-t-elle pas le rechercher, le reprendre ? C'est le thème de "True Mothers" de Naomi Kawase.
On y vit cette confrontation des deux mères avec beaucoup d'émotion retenue avant d'être pris dans un flot lacrymal dont il ne faudra pas avoir honte. Sans être un mélo, le film décrit des sentiments forts qui n'échappent pas à la voie des larmes... et c'est tant mieux.
Naomi Kawase sait éviter le pathos et a pris soin de faire de ses personnages des êtres sans autre arrière pensée que de défendre leur bonheur ou de tenter de le retrouver. Les deux femmes d'âges et de milieux différents sont de belles personnes et la résolution du film semble le prouver.
L'intrusion de la réalisatrice dans l'univers des familles donne un film moins rationnellement construit que chez son collègue Kore-Eda mais propice à plus d'affects. On sent aussi une grande maîtrise sur l'objet film qui fait d'elle sans doute la plus grande cinéaste actuelle dont, désormais, il faut forcément suivre toutes les propositions. |