Alors que Lubin tente de découvrir pourquoi il n’a aucun souvenir de la veille, il comprend, à grand renfort d’expériences et de stratégies, qu’il est habité par une seconde personnalité qui a le contrôle de sa vie un jour sur deux. Le jeune homme et son double trouvent progressivement un équilibre et cohabitent relativement paisiblement jusqu’à ce que Lubin réalise que deux jours se sont écoulés sans qu’il ne revienne à lui et que la seconde personnalité´ qu’il abrite prend de plus en plus de place, le privant de plus en plus de sa propre vie.
Sorti en 2017 chez Glénat, Ces jours qui disparaissent ne cesse d’être un succès. Déjà acclamé par la critique à sa sortie, puis primé à plusieurs reprises, la troisième bande-dessinée de Timothé Le Boucher est une œuvre unanimement bouleversante.
Si le coup de crayon délicat de Timothé Le Boucher et la palette de couleurs pastel de Ces jours qui disparaissent inspirent la douceur et le calme au premier abord, ce n’est que pour mieux surprendre le lecteur. Dans une succession de planches au cadrage quasi cinématographique, la BD prend des allures de thriller angoissant. Un crescendo tonitruant, une tension de plus en plus pesante et un rythme qui semble s’accélérer de page en page comme un étau qui se resserrerait simultanément sur notre principal protagoniste et sur le lecteur. Les jours passent, le temps s’écoule inexorablement, échappant à Lubin qui voit son identité volée, sa vie remplacée.
En s’attaquant à l’angoisse la plus universelle qui soit, l’auteur offre une lecture immersive à laquelle il paraît difficile d’être insensible. À quoi tient notre identité ? Surtout, quelle valeur accorde-t-on au temps qui nous est imparti ?
Timothé Le Boucher maîtrise à la perfection son scénario de la première à la dernière planche à l’esthétique si travaillée qui donne vie à son histoire, entre inspiration traditionnelle franco-belges et manga.
En filigrane l’angoisse, insidieuse, se fraie un chemin lentement mais sûrement jusqu’au lecteur happé par un récit haletant, dans cette course folle et ô combien frustrante contre la montre.
J’ai refermé ce roman graphique à bout de souffle, cette angoisse nichée au creux de l’estomac, tentant d’étouffer un sanglot.
Ces jours qui disparaissent est pour moi un sans-faute, de ces œuvres qui nous hantent longtemps. Je le recommande donc chaudement mais non sans mise-en-garde : respirez un grand coup avant d’y plonger et sachez que vous n’en sortirez pas indemne.
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